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Courrier des théâtres

Le Figaro – Dimanche 22 mai 1870

Depuis quelques jours, les bruits les plus sinistres circulaient sur Offenbach. On ne voyait plus le maestro.

Le matin, à onze heures au café Riche, la table de Jacques était déserte, et les garçons regardaient avec désespoir les deux flûtes en pâte de brioche qu’il daigne tremper chaque matin dans son café au lait.

Notre inquiétude personnelle était grande, et, connaissant là triste passion de notre ami, nous avions télégraphié à Bade et Hombourg mais les réponses furent toutes les mêmes : « Pas vu Offenbach. »

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Nous étions dans une désolation profonde, et, sans donner crédit au bruit qui circulait déjà que Jacques était compromis dans le complot, nous étions prêt à nous rendre chez madame Offenbach, lorsque hier, étant allé dîner chez un ami au pavillon Henri IV, à Saint-Germain : qui voyons-nous dans le jardin, fumant un cigare d’une longueur insolente ? Le maestro en chair et en os.

– Comment, c’est vous ?
– Mais oui.
– Que devenez-vous ? Comment pouvez-vous laisser vos amis sans nouvelles ?
– Mon cher, je suis ici depuis huit jours, je travaille toute la journée et je ne me montre aux populations qu’à six heures du soir.

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Vous pensez bien qu’après les premiers épanchements du cœur et… un bon dîner, nous avons fait causer l’ami Jacques et que nous allons vous donner quelques nouvelles toutes fraîches.

C’est le télégraphe qui parle :

Sardou.
Paris.
Venez dîner avec moi.
OFFENBACH.

Réponse :

Offenbach.
Saint-Germain.
Oui. À six heures et demie.
SARDOU.

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Sardou.
Paris.
Apportez-moi le premier acte complet de notre pièce de la Gaîté. Moi avoir fini Fantasio.
OFFENBACH.

Réponse :

Offenbach.
Saint-Germain.
Moi pas avoir fini tout à fait le premier acte, mais vous apporterai le titre définitif.
SARDOU.

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A six heures et demie, Sardou, exact comme un créancier, arrivait à Saint-Germain ; c’est ce qui nous permet de vous dire que la pièce de ces deux maîtres pour la Gaîté s’appellera

LE ROI CAROTTE

Grand opéra bouffe féerique, en trois actes et vingt-quatre tableaux.

Gustave Lafargue.

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