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Courrier des théâtres

Le Figaro – Dimanche 13 février 1876

Dans un endroit retiré de Neuilly, au numéro 4 du passage Masséna, on voit du dehors un petit pavillon, composé d’un rez-de-chaussée et d’un étage ; devant le pavillon un jardinet ; tout autour le calme : on se croirait à cent lieues de Paris.

C’est là qu’est morte l’année dernière Marie Cico ; c’est là que nous sommes allé, il y a deux jours, jeter un dernier regard sur ce
qui restait de la pauvre jeune femme, sur les souvenirs qu’elle a laissés, souvenirs aujourd’hui dispersés, car on a vendu hier tout ce
qu’elle avait possédé.

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On se souvient que Marie Cico était déjà malade, lorsqu’un soir, jouant dans Orphée à la Gaîté, un machiniste tomba d’une passerelle du cintre et vint se briser la tête à ses pieds.
L’émotion de l’artiste fut telle qu’il fallut l’emporter, et depuis ce jour elle déclina jusqu’à l’heure où la consomption eut raison du peu de forces qui lui restait. Elle avait trente-quatre ans.

On a dû procéder chez elle à une vente judiciaire, car Marie Cico avait un fils en bas âge, et il fallait sauvegarder les droits de l’enfant à un héritage hélas fort modeste.

Un lit de fer capitonné ; au-dessus une glace assez grande, quatre gravures représentant des sujets religieux, un bénitier, une
armoire à glace et quelques chaises, tel était le mobilier de sa chambre à coucher. Le salon, bourgeois, en palissandre et velours rouge. Une lanterne florentine remplace le lustre absent. Dans la salle à manger une peinture la représente, de grandeur naturelle,
dans un costume Watteau qu’elle portait à un bal donné au Vaudeville, ou sa beauté et son costume eurent un succès fou.

Sur la table du salon sont déposés les prix que la pauvre enfant avait obtenus au Conservatoire. Les murs sont tapissés de ses robes, en grand nombre, et étalées pour la vente. On y retrouve celle qu’elle portait dans la Dame blanche et sa gracieuse toilette du Voyage en Chine.

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Marie Cico vivait retirée dans sa petite retraite de Neuilly. Bonne et simple, elle était très aimée de ses voisins. On aime beaucoup aussi l’enfant.

On m’a raconté que le jour de la mort de sa mère le pauvre petit disait :
– Maman, qui était si gentille, elle est morte ! Je n’ai pas de papa ! Et grand papa et grand’mère sont si vieux qu’ils mourront aussi bientôt. Alors personne ne m’aimera plus !

Et le pauvre enfant-pleurait, et les voisins aussi.

Charles Darcours.

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