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Théâtres

Le Figaro – Dimanche 28 septembre 1856

Opéra : – Début de madame Borghi-Mamo dans le Prophète. – Théâtre-Lyrique : Première représentation des Dragons de Villars. – livret de MM. Lockroy et Cormon, musique de M. Aimé Maillart. – M.
Girardot. – Mademoiselle Juliette Borghèse. – La partition. – Bouffes-Parisiens : – Le Financier et le Savetier, opérette de MM. Hector
Crémieux et Jacques Offenbach. – Mademoiselle Daimont. – Pradeau.

(…)

BOUFFES-PARISIENS

Ce théâtre, – qui a maison de ville et maison de campagne, – vient de prendre ses quartiers d’hiver et de s’installer à nouveau dans son hôtel du passage Choiseul. Il a pendu la crémaillère, comme on dit, et convié la presse et le public à cette fête du retour. Le Financier et le Savetier (remarquez bien l’inversion du titre) faisait les frais de la solennité. Comme cette opérette légère soulève une grosse question,
– la fantaisie au théâtre, – le lecteur me permettra bien de m’y reprendre à deux fois avant de juger une pièce qui dure à peine quarante minutes. Ce sera l’objet d’une lettre adressée à son auteur, M. Hector Crémieux. Aujourd’hui, je me bornerai à faire la part du collaborateur musical.

La spirituelle folie du poème exigeait du compositeur de la verve, de la mélodie argent comptant, des rhythmes francs et décidés. Offenbach était sur son terrain et dans un de ses bons jours. Il vient de donner au bolero des Deux Aveugles une sœur digne de ce frère, qui fut un franc coureur de popularité… c’est la fable du Savetier et du Financier, chantée avec beaucoup de naturel et de naïveté par mademoiselle Dalmont. Cela est aussi vif, aussi franc de collier que le bolero en question, avec une originalité de meilleur aloi.

Je prédis à ce refrain
Un suque, suque, suque,
Su-que-ces certain.

J’ai remarqué, dans l’ouverture, une modulation qui aboutit à un effet de pianissimo tout à fait original. Je citerai encore les couplets de la Bourse, le compliment débité par mademoiselle Dalmont, et le trio scénique, fort bien agencé, dans lequel le compositeur a intercalé, en charge, la péroraison vocale et instrumentale de Une fièvre brûlante.

Pradeau, sous l’habit noir et les breloques du financier Belazor, a la plus adorable suffisance qu’on ait vue, de mémoire de millionnaire. Il faut l’entendre appeler son invité n° 2, et lui dire, la bouche en cœur :

– Monsieur, si je ne craignais d’abuser de votre platitude, je vous prierais d’aller porter cette invitation de ma part à M. Larfouillat [1] !

Décidément, mademoiselle Dalmont est tombée en enfance. Il faut dire aussi que la coiffure Sévigné, le tablier de soie, le jupon court et les pantalons, lui prêtent un piquant et une grâce adorables ; la jambe seule est un peu marquée pour l’âge du personnage mais qu’est-ce qui songe à s’en plaindre ?

B. Jouvin.

[1SIC

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