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La Soirée parisienne

Le Gaulois – Mercredi 15 janvier 1879

LA MAROCAINE

Olfenbach a coutume de donner ses pièces par série. Il est rare qu’il lance une partition toute seule. Seulement... Eh bien ! oui, il y a un seulement, et nous avons assez souvent constaté les succès d’Offenbach, nous avons, tout dernièrement, assez célébré la gloire de Madame Favart pour dire franchement que si son nom n’eût pas été bruyamment acclamé à la fin par ses amis, il eût entendu certains bruits aussi peu agréables que stridents.

Il prendra sa revanche une autre fois, et, ma foi, il compte assez de jolies partitions pour faire oublier celle d’hier.

Son complice est Paul Ferrier, un garçon charmant, plein d’esprit, qui a fait de très jolies choses.

Décidément c’est une mauvaise chance.

Et voyez un peu quand la destinée accable les gens ! Il s’est rencontré, dans les couloirs, des personnes qui ne craignaient pas de l’accuser d’avoir fait aussi la Perruque merveilleuse.

M. Comte, c’est une justice à lui rendre, a monté la pièce comme un chef-d’œuvre ; des costumes absolument ravissants, des décors, très jolis, enfin il a sauvé sa mise.

Paola Marié est la Marocaine. Les auteurs ont peut-être eu tort de lui faire chanter des éloges sur ses jolies mains et de ses jolies pieds ; ils pouvaient si bien ne s’occuper que de sa voix et de ses yeux.

Elle est fort bien costumée, surtout au premier acte, et l’on aurait vraiment tort de continuer à l’appeler Boudinette.

Milher est revenu a l’opérette, prêté par le Palais-Royal ; après avoir triomphé dans toutes les opérettes d’Hervé, il n’a pas de chance pour son début dans celles d’Offenbach.

NKous l’avons retrouvé en Turc, comme autrefois aux Folies-Dramatiques.

Le deuxième acte commence, comme toujours, par un chœur d’odalisques. Une mauvaise langue a prétendu que c’était la Marocain...ards. Injuste, monsieur ! il y a parmi ces dames de forts jolies personnes et vous auriez dû vous en montrer reconnaissants.

Quelqu’un, qui prononce très mai, les a trouvées très grassouillettes pour des femmes de hareng.

Mlle Mary Albert est jolie en jeune prince marocain. Qu’elle renonce désormais aux perruques blondes : elle est bien mieux au naturel.

Il eût été fâcheux, du reste, qu’elle luttât avec les jolis cheveux cendrés de Mlle Hermann.

C’est une très aimable petite débutante, qui a dû être contente de l’accueil que le public lui a fait pour la première fois qu’il la voyait.

Elle n’a jamais paru, en effet, au théâtre ; mais nous espérons bien qu’elle y restera. Bonnet a quitté les ganaches pour jouer un janissaire quasi-gommeux, moustaches et barbiche blondes. Oh ! la coquetterie.

Au premier acte, on annonce un cheval café-au-lait, mais on ne le voit pas il est resté aux Variétés avec le Grand Casimir. A propos, comme on a raison de dire que trouver un fer à cheval porte bonheur ; une autre fois on le fera entrer.

On ne voit pas non plus les Kabyles dont on parle tout le temps ; comme la pièce se passe au bord de la mer, on a supposé que c’étaient des Kabyles de bains.

Pourtant, leur général entre en scène au 2e acte. C’est un superbe gaillard qui ressemble, de protif, à Grévin, et, de face, vaguement à Lassalle dans l’Africaine.

Plusieurs élégants portent maintenant la cravate noire empiétant de trois centimètres par derrière sur le col blanc.

Ayons le courage de le leur dire : Messieurs, c’est affreux !

Mais Grévin ne joue pas les opérettes, il se contente de les habiller, et hier il y très complètement réussi.

La salle est élégante comme toujours quand on attend une pièce d’Offenbach. Mais ici, nous éprouvons le besoin de placer une protestation indignée.

Renoncez à cette mode tandis qu’il en est temps encore. Ce n’est pas le moment de jouer au collet noir sans perruque blonde, pas plus que d’arborer le col à la victime.

Rétrécissez vos cravates ; ou bien, si vous tenez absolument à ces gigantesques pièces d’étoffe, reprenez au moins le faux-col de vos pères.

A. X.

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