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Bruits de coulisses

Le Gaulois – Dimanche 28 septembre 1873

M. Henry de Groulard, agent de publicité, est devenu cessionnaire, à la date du 20 mars 1873, du droit de placer des annonces sur le rideau du théâtre de la Gaité et il a payé à l’avance, à l’ancien directeur de ce théâtre, le prix convenu jusqu’au 1er juin 1873.

Ce jour-là, M. Offenbach est devenu directeur du théâtre de la Gaité, et son premier soin a été de te fermer jusqu’au 2 septembre.

Pendant cette fermeture, M. de Groulard a enlevé le rideau pour changer les annonces, et il l’a replacé le 28 août.

Le 2 septembre, M. Offenbach a sommé M. de Groutard de lui payer 1,250 fr. pour un terme de loyer d’avance, et le lendemain 3 septembre M. de Groutard a fait des offres réelles des 1,250 fr. qui n’ont pas été acceptées en l’absence de M.Offenbach.

Cette situation a amené deux procès devant le tribunal de commerce de la Seine. M. Offenbach a fait assigner M. Henry de Groulard en résolution de son traité et en payement de dommages-intérêts ; il a soutenu que le rideau originaire, adopté d’un commun accord, avait été changé ; que le nouveau rideau n’était plus acceptable, et que les lacunes restées en blanc lui donnaient un aspect ridicule et choquant.

M. de Groutard, de son côté, a reproché à M. Offenbach de n’avoir point fait baisser le rideau après chaque acte ou chaque tableau, et d’avoir ainsi supprimé, au moins en partie, la publicité due à ses clients en conséquence, il a demandé au tribunal de condamner M. Offenbach à lui payer une indemnité de 1,000 fr. pour les suppressions des 2 et 3 septembre 1873, et de le condamner à baisser le rideau après chaque acte ou chaque tableau, sous une contrainte de 500 fr. par chaque contravention.

Le tribunal a décidé :

« Qu’Offenbach est tenu de faire baisser le rideau d’annonces du théâtre de la Gaité tous les soirs sans exception, et après chaque acte ou tableau de chaque pièce ;

« Et ce, pendant toute ta durée du traité, sinon le condamne, dès à présent, par les voies du droit à payer à de Groutard, à titre de dommages-intérêts, la somme 50 fr. par chaque représentation où ce rideau n’aura pas été baissé,

« Et-ce, à partir du 4 septembre courant,

« Condamne, en outre, Offenbach, par les voies de droit, à payer à de Groutard la somme de 100 fr. à titre de dommages-intérêts, pour réparation du préjudice souffert dans les deux représentations du 2 et 3 courant ;

« Donne acte à de Groutard de ses réserves ;

« Condamne Offenbach aux dépens.

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Puisse cette désunion faire renoncer MM. les directeurs à cette coutume ridicule qui consiste à baisser sur les situations les plus pathétiques un rideau contenant les annonces les plus grotesques et les réclames les plus absurdes !

Comment veulent-ils que le spectateur reste sous l’impression de l’acte précédent et soit bien disposé a écouter celui qui suit, lorsque pendant une demi-heure il a eu sous tes yeux les agaceries nauséabondes de la délicieuse veloutine ou de la maison, qui n’est pas au coin de la rue ?

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– Que diriez-vous si je doublais vos feux ? demande hier à brûle-pourpoint Offenbach à Daubray, le nouveau et amusant Choufleuri.

– Dame, je serais bien content répond celui-ci assez intertoqué.

– Eh bien, soyez-le ! réplique le maestro en lui tournant les tâtons.

Voilà qui s’appelle mener rondement tes affaires.

François Oswald.

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