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Chronique parisienne

Le Figaro – Jeudi 5 septembre 1867

Soulouque vient de mourir, et nous qui ne voyons guère disparaître un hippopotame un peu intelligent ou décéder une lionne en couches, sans lui consacrer plusieurs articles nécrologiques, nous avons enseveli dans nos journaux, sous deux maigres lignes de faits divers, cette grande figure historique qui restera une des plus saillantes du siècle et qui en tout cas méritait bien qu’on lui rendit à ce moment suprême les honneurs biographiques accordés jadis au dernier soupir de Jocko.

Si les peuples étaient intelligents, ils mettraient tout simplement feu Soulouque parmi les constellations. S’il est vrai que le ridicule tue en France et à Haïti, ce monarque a rendu aux générations futures le plus signalé des services en tuant le despotisme qu’il a en effet pratiqué avec un succès de comique si incontesté. Jusqu’ici le régime du sabre avait paru odieux et funèbre, lui seul a trouvé moyen de l’égayer au delà de toute expression. Cet homme fut un vaudeville couronné. Imaginez-vous au théâtre du Palais-Royal un Soulouque joué par Brasseur chantant une ronde d’Offenbach en compagnie de son premier ministre Gil Perès, tout nu avec un portefeuille sous le bras, et vous avez deux cents représentations sans compter les reprises.

(...)

Henri Rochefort.

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