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La Soirée Théâtrale

Le Figaro – Mercredi 9 février 1876

De la neige, de la boue, du froid, des spectateurs crottés, mouillés, grincheux, ah ! la désagréable soirée !

Je cherche un refuge aux Variétés. En attendant le Dada, on y fait d’assez agréables recettes grâce aux Dumacheff, la parodie du succès franco-russe que M. Duquesneloff exploite avec tant d’intelligence et tant de bonheur. La parodie est suffisamment plaisante et elle est bien jouée par Léonce, Coquelin cadet et Hamburger.

Vous savez que Berthe Legrand a fait, le premier soir, une chute dans une trappe ouverte ; c’est Léonce qui est la cause indirecte de cet accident.

Léonce est l’acteur le plus nerveux, le plus impressionnable de Paris. Les trappes surtout lui ont toujours inspiré une répugnance instinctive, à ce point que dans Orphée aux Enfers, il se bornait à regarder Désiré prendre ce chemin souterrain en s’écriant, lui
– J’aime mieux prendre l’omnibus !

Dans les Dumacheff, Léonce devait à la fin disparaître par une trappe. C’était indispensable, cela faisait partie du dénouement, il n’y
avait pas à chercher de biais. Pendant les repétitions, Léonce parut tranquille. Il se contentait de dire : « Ici je m’enfoncerai dans la
trappe » et c’était tout. Mais – le soir de la première – il ouvrit la trappe fatale, puis – au moment d’y descendre – il sentit ses cheveux se dresser sur sa tête ; son cœur se mit à battre violemment et ses jambes lui refusèrent tout service.

Au lieu de s’écrier :
– Je me retire à la trappe !
Il s’écria :
– Je me retirerai à la trappe !

L’effet fut le même ; malheureusement, il n’avait pas été réglé ainsi, et Berthe Legrand, ne songeant pas au trou béant qui se trouvait
derrière elle, se recula pour saluer le public et fit la chute que vous savez.

– Vous voyez, murmura Léonce, il n’y a rien de dangereux comme ces machines-là !

On n’est pas content aux Variétés. Des journaux avaient annoncé que M. Massenet venait d’avoir une opérette en un acte reçue à la Renaissance et qu’il en avait une autre, en trois actes, commandée par M. Bertrand. Or, voilà que l’éditeur dudit M. Massenet, M. Hartmann, écrit à ces journaux pour leur apprendre que l’auteur des Érinnyes ne daigne pas perdre son temps à une si petite besogne.

M. Massenet aurait dû recommander à son éditeur de porter, avec un peu plus de ménagements, un coup aussi cruel aux directeurs
des Variétés et de la Renaissance. Que vont devenir ces malheureux ! si Massenet refuse de travailler pour eux ? Il leur faudra donc éternellement jouer de l’Offenbach, du Lecocq, du Johann Strauss ? C’est horrible à penser.

(…)

Un Monsieur de l’orchestre.

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