Par date

Lettres d’un bon jeune homme à sa cousine Madeleine

Le Figaro – Dimanche 19 octobre 1856

III

Paris, 17 octobre 1856.

(…)

J’ai vu depuis un petit opéra de Mozart, intitulé l’Impresario. Ce Mozart est un homme qu’on remplacera difficilement. Il y a plus de musique, c’est-à-dire de mélodie, dans ce petit acte, que dans tout le Prophète. L’Imprésario se joue au passage Choiseul dans une boîte
à bonbons. Il paraît que ces bonbons-là sont excellents pour la voix. Le maître de la boîte, M. Offenbach, est un artiste à qui tout réussit. Il a, ce qu’on appelle en Italie, le bon œil, c’est-à-dire qu’il porte bonheur aux autres et à lui-même. Lorsqu’il était simple violoncelliste, il composait autant de succès que de concerts. Tant qu’il a été chef d’orchestre à la Comédie-Française, M. Arsène Houssaye est resté directeur, et le théâtre a prospéré. Depuis qu’il est parti, M. Houssaye est tombé, M. Empis est venu, le comité de lecture a refusé toutes les pièces nouvelles, et celles qu’on a représentées ont croulé avec
un bruit scandaleux, comme le Pied d’Argile et Guillery. Fais ce que dois a été retiré du répertoire à la cinquième représentation, malgré un succès fort honorable. C’est que M. Offenbach n’était plus là. Cet homme heureux entre tous les hommes a fondé le seul théâtre qui fasse autant d’argent l’été que l’hiver. Toutes les pièces qu’il a faites ou simplement représentées, ont réussi. Il a proposé un prix de 1,800 francs pour la meilleure opérette bouffe. Il s’est présenté 78 concurrents, et tous ont travaillé avec tant de succès qu’on ne sait auquel donner le prix. La Revue des Deux-Mondes offre depuis long-temps une somme de 5,000 francs à l’auteur qui lui apportera
un roman passable, et l’on n’a jamais entendu dire qu’un seul candidat s’y fût présenté. C’est que le bon œil est chez M. Offenbach et le mauvais à la Revue des Deux-Mondes. Ainsi va le monde. Tout est heur et malheur, comme dit grand-papa.

(…)

VALENTIN
De Quévilly.

Par date
Rechercher
Partager