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Petit courrier des théâtres

Le Figaro – Jeudi 5 janvier 1865

On n’accusera plus, il faut l’espérer, Jacques Offenbach d’être un jettatore, après l’anecdote suivante.

C’était il y a deux ans, à Ems, où Offenbach était, venu diriger les répétitions de Lischen et Fritchen ; quelques heures avant la première représentation, Offenbach voulut tenter la chance, entra dans la salle de jeu et jeta sur le tapis vert quelques florins qui furent aussitôt ratissés par le croupier. Mais par un hasard singulier, cet employé, en ramenant à lui l’argent d’Offenbach, casse net son râteau et reste avec le manche dans la main. Tout le monde de se regarder, et déjà quelques-uns font les cornes seul le jeune chef d’orchestre du théâtre d’Ems s’approche d’Offenbach et lui dit dans son pur langage français.

« Sont-ils pêtes ? si vous le bermettez, je gonduirerai la bremière avec ce pâton-là. »

– Bravo ! dit Jules Noriac qui se trouvait là, j’aime les garçons hardis, et, ajouta-t-il en rjant, si jamais, au grand jamais, je suis directeur, je vous prendrai pour chef d’orchestre.

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Il y a deux ans de cela ; Jules Noriac est maintenant codirecteur des Variétés : le petit chef d’orchestre d’Ems, c’est Lindheim, le chef d’orchestre actuel des Variétés, et un vrai artiste, demandez-le à ceux qui s’y connaissent.

Quant au bâton du croupier d’Ems, le soir de la première représentation de la Belle Hélène, Lindheim s’approcha d’Offenbach, et tirant mystérieusement de dessous son paletot un grand bâton noir :

– Maître, lui dit-il, vous rappelez-vous le bâton d’Ems ? c’est avec cela que je conduirai les cent représentations de la Belle Hélène, une vraie série, de cent représentations sans autres intermittences que les dimanches.

A. Dupeuty.

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