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Petites tablettes

Le Figaro – Dimanche 2 juillet 1865

Le moment est venu où les heureux de ce monde déclarent unaninement [1] les grandes villes inhabitables et s’acheminent vers ces séjours demi agrestes, demi mondains, qu’on appelle les villes d’eaux. Ems est depuis longtemps déjà un des établissements les plus en vogue des bords du Rhin et c’est justice à tous les titres. L’air qu’on y respire est pur et balzamique, et les rives riantes de la Lahn ont un attrait tout particulier pour la haute société européenne. Le séjour d’Ems n’est possible, en effet, qu’aux gens de la bonne compagnie. Si, par hasard, un de ces coureurs de tripots si nombreux à Hombourg s’égare dans les salons étincelants de son Kursaal, il est fort rare qu’il y fasse une station bien longue. Il se sent bien vite mal à l’aise au milieu de cette société polie, ennemie du fracas, qui cherche avant tout le plaisir décent, le repos élégant de ses fatigues de l’hiver, et qui repousse toute familiarité banale. L’intrus se sauve sans demander son reste, et les gens du vrai monde se trouvent presque sans mélange au concert, à la promenade et à ce théâtre le plus mignon des théâtres, pour lequel maitre Jacques Offenbach a composé tout exprès deux de ses plus gaies partitions. Méry passe tous les ans deux mois à Ems ; il prétend qu’au temps de la domination romaine, la vingt-deuxième légion s’y caserna pour deux siècles, refusant de quitter ce petit coin de terre béni des dieux. Je ne sais dans quel texte Méry a trouvé ce témoignage d’une antique fascination, mais je le crois volontiers sur parole.

X.

[1sic

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