C’est madame Brunet-Lafleur qui va remplacer madame Cabel dans le rôle d’Hélène, du Premier jour de bonheur, à l’Opéra-Comique.
A ce théâtre, la reprise de Vert-Vert n’aura lieu que la semaine prochaine.
Jules Prével.
Mademoiselle Schneider vient de l’échapper belle !
Voici ce qu’une correspondance particulière de Londres nous apprend :
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Tous les soirs, à Saint-James, à, la fin de la représentation d’Orphée aux Enfers, dans un fort beau décor, après la cancan qui est bissé chaque fois ; mademoiselle Schneider se trouve enlevée, ainsi que Dupuis et Jupiter, sur un praticable qui monte à la moitié du théâtre : des diables dansent devant, les chœurs se groupent, mademoiselle Pradal entonne la phrase du galop : « Bacchus, ton âme légère » avec une verve communicative, le fond du théâtre s’embrase et le rideau tombe pendant que les flammes du Bengale répandent dans l’air leur odeur désagréable.
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Mercredi, à ce beau moment, quand le praticable venait de monter, un éclair, une flamme se communique aux jupons de Schneider, qui se sent prise et s’écrie : Je brûle !
En un clin d’œil ses jupons sont en feu.
En un clin d’œil aussi, avec une présence d’esprit des plus rares, mademoiselle Schneider saute sur le théâtre – quel bond – comprime les flammes de ses mains, arrive sur l’avant-scène et tombe à terre pour préserver son visage.
Derrière elle avait immédiatement sauté M. Desmonts, qui, préservant la tête de la diva avec son manteau de Jupiter, se roulait sur elle pour étouffer les flammes.
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Prompts comme l’éclair, MM. Raphaël Félix et Valnay imitaient M. Desmonts.
Toutes les femmes étaient pâles de peur et fuyaient en désordre, tous les choristes arrachaient jupes et péplums pour les jeter sur mademoiselle Schneider qu’on massait d’importance et qui sentait toujours ses jupes de gaze flambloyer [1].
Plusieurs gentlemen avaient sauté des loges sur le théâtre comme de vrais Léotard, le chef-d’orchestre Vizentini, tout debout sur sa chaise, criait : Du calme, ne bougez pas, ce n’est rien.
Le public hurlait à qui mieux mieux ; enfin le rideau tomba – Tonnerre d’applaudissements.
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Après cinq minutes d’indicibles angoisses on releva la toile, et l’on vit mademoiselle Schneider, dans les bras de M. Raphaël Félix, entourée de tous les artistes encore tout épouvantés.
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Vous pensez si l’ovation fut enthousiaste.
Pendant cinq minutes, la salle croula sous les bravos, et mademoiselle Schneider reçut des témoignages de profonde sympathie qui termineront dignement cette saison si brillante pour elle.
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La Grande-Duchesse n’a eu d’autre mal que la peur, deux légères brûlures à la cuisse et un vrai noir au bras. Son costume est en cendres, et c’est un miracle d’en être quitte à si bon marché.
Sans son bond prodigieux et la présence d’esprit de M. Desmonts, il serait arrivé un terrible malheur.
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Le lendemain, à son entrée en scène, mademoiselle Schneider a été couverte de fleurs.
Gustave Lafargue.