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Courrier des théâtres

Le Figaro – Mercredi 10 mars 1880

La fête qui a eu lieu dans la nuit de lundi à mardi, à l’Hôtel Continental, pour célébrer la 100e de la Fille du Tambour-Major, a été remarquable d’entrain et de bonne humeur. Artistes des deux sexes, journalistes graves, coulissiers de théâtres, amis des auteurs et des directeurs, nous étions 150 à 200 personnes qui n’engendraient pas la mélancolie.
De minuit et demi à deux heures et demie, on a dansé pour oublier que le souper se faisait attendre. La fête gastronomique avait été réglée, en effet, pour cette dernière heure : elle est venue tard, mais elle a été la très bienvenue.
Repas exquis, dont nous devons féliciter la direction… de l’Hôtel Continental et celle des Folies-Dramatiques.
Au dessert, M. Cantin a porté un toast des plus chaleureux à la féconde jeunesse de Jacques Offenbach : 100 pièces de lui forment la première série de ses ouvrages.
Le maestro a pris la parole à son tour : dans une improvisation dont la gaieté des invités autorisait les légèretés, il a commencé par dire, que, bien avant lui, Adam et Eve avaient fêté des 100es dans le paradis terrestre ! D’où la surface du globe se trouvait aujourd’hui si peuplée.
Offenbach a porté ensuite quelques toasts qui ont été fort applaudis :

A MADAME GIRARD
Vous m’avez créé à Ems un rôle dans les Bavards, à l’Opéra-Comique des rôles importants et dans Robinson et dans Vert-Vert. Vous avez créé votre fille, et la mère de votre fille dans la Fille du Tambour-Major ; toutes ces créations font le plus grand honneur et prouvent combien vous êtes une grande artiste.

A MADAME MAX-SIMON
Vous jouez, vous chantez, vous dansez d’une façon adorable dans la Fille du Tambour-major, et comme votre mari est charmant dans son rôle de Griolet et comme il dit sa chanson du tailleur amoureux ! Vous et moi nous eussions été fâchés qu’il fût ailleurs !

A LUCO
Vous n’êtes ni le 32e, ni le 132e des tambours-majors. Je vous proclame le 1er de tous les tambours-majors. Un ban pour Luco !

A LE PERS
Vous avez eu un rôle ingrat dans notre pièce ; malgré cela, vous avez du succès, car vous jouez et vous chantez en véritable artiste.

A MADEMOISELLE VERNON
Vous êtes bien gentille dans le rôle de la vivandière : vous dites avec charme la chanson de l’Ane ; vous adoucissez les braiements de ce quadrupède, et nous savons tous combien c’était difficile, car – notre grand poète l’a dit avant nous – l’âne est terrible !

A MAUGÉ
Vous n’avez pas, comme chanteur, le talent de Rubini, ni la voix de Capoul, mais ce que je sais, c’est que vous jouez comme Bouffé te que vous êtes un des premiers artistes des théâtres du genre !

Après ces toasts qui ont eu un succès fou, on s’est levé de table, et le bal a commencé avec une nouvelle ardeur. Les plus intrépides dansaient encore à six heures du matin.
Jules Prével.

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