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Échos de Paris

Le Figaro – Jeudi 24 juillet 1856

Donc, puisque Télégraphe il y a, parlons un peu du Télégraphe :

Dans sa chronique de samedi dernier, le spirituel chroniqueur a lancé ce petit paragraphe, dans le jardin du Figaro :

« – Dis-moi un peu, – toi qui sais tout, – pourquoi le Figaro, qui s’est montré si revêche contre le concours Véron, se montre si bienveillant pour le concours Offenbach ! – Je n’ai su ou plutôt je n’ai pas voulu lui répondre.

« Mais la question est posée ; que le Figaro s’en arrange.

Seulement, nous le prévenons charitablement que notre ami est un sceptique, – qu’il ne croit pas au désintéressement du Figaro, – et que si sa réponse n’est pas satisfaisante, il pourrait bien se faire qu’il nous écrivit une lettre de sa façon – sans façon – sur les motifs qui l’ont décidé, lui Figaro, à ouvrir toutes grandes les portes de sa, maison à M. Offenbach. »

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Nous répondons au Télégraphe, qui a déniché le merle, et à quelques-uns de ses compères, qui ont reproduit l’objection

– 1° Nous ne nous sommes pas montrés revêches contre le concours Véron, – d’abord, – en principe, quoique la question ne soit pas la même que celle du concours Offenbach ; – nous n’avons pas blâmé M. Véron de fonder, pour sa satisfaction particulière, un concours littéraire quelconque ; il fait de sa fortune l’usage qu’il lui plaît d’en faire ; – mais nous nous sommes élevés contre un tel concours, établi, tambouriné, organisé, patroné [1] officiellement par une société de gens de lettres transformée ainsi en aréopage intellectuel, en académie littéraire, ce qui n’est pas, ce qui ne doit pas être, selon nous, sa mission, les deux tiers, au moins, des membres de son comité n’étant pas de force a pouvoir apprécier le mérite des œuvres de leurs confrères, – dans la société, ou en dehors de la société, – et surtout n’ayant pas qualité, autorité, pour le faire.

En effet, la Société des Gens de Lettres est une société de camarades, d’égaux, unis pour mener à bonne fin leurs petites affaires et gérer leurs intérêts ; – l’une des parties de la Société n’a pas mandat de juger le talent de l’autre partie ; – pas plus que ladite Société, en masse, n’a le droit de s’ériger en juge du talent des nombreux écrivains qui n’ont pas voulu se présenter, pour être reçus dans la Société des Gens de Lettres. – Je tiens une plume ; je suis honnête homme ; je paye ma cotisation, cela doit suffire pour être
reçu chez eux, – quand on se présente.

– Mais a-t-il du talent ? – Aucun des membres de la Société ne doit et ne peut poser cette question ; – on lui répondrait : – Et vous ?

– 2° Maintenant, M. Offenbach est-il dans la même position que M. Véron et que la Société des Gens de Lettres ? – Evidemment non.

Ce n’est pas M. Offenbach, le compositeur, qui se pose en juge de ses confrères ; – c’est la société directoriale et administratrice d’un théâtre lyrique, qui fait appel, par l’organe de son directeur, – moyennant une prime déterminée, et indépendante des droits d’auteur, – à tous les compositeurs nouveaux, pour stimuler leur zèle et fournir à leur talent une occasion d’un brillant début musical ; – ce n’est pas le confrère, c’est le directeur qui se sert de ce moyen pour attirer à lui des hommes de talent qui travailleront pour son théâtre et, il faut bien le dire, qui deviendront, ainsi, un puissant appui financier, pour l’entreprise artistique qu’il est chargé, – par ses commanditaires, – de diriger et d’administrer !

Les douze jeunes compositeurs qui se sont, déjà, fait inscrire, pour ce concours, en ont bien compris la pensée et le but ; – le théâtre des Bouffes peut y gagner cinq ou six producteurs nouveaux ; – ne découvre-on qu’un homme de talent, – un seul, – le concours serait encore utile, – pour l’art musical, n’est-ce pas ? – Cela nous suffit.

___

– 3° Mais Figaro, mon ami, tu es intéressé, dit-on, dans l’affaire des Bouffes !

– Un peu, trop peu, je l’avoue ! – donc, je pousse à tout ce qui peut augmenter le succès de ce petit théâtre ; – le concours, en produisant de nouveaux talents, peut devenir un élément de prospérité de plus ; – je le sais, et c’est pourquoi j’appuie, à la fois, la bonne pensée artistique et l’intelligente mesure administrative ; – qui peut s’en plaindre, d’ailleurs ? ce n’est pas l’art musical, – ce ne sont pas les
auteurs nouveaux, – ce ne sera pas le public ; – donc, j’ai raison !

– Eh ! confrère, ajoutera quelque sournois, que devient alors, ô Figaro, ton indépendance, quand tu nous parles des Bouffes ? ne crains-tu pas que…

– Mon indépendance ? – demandez à Offenbach ! relisez notre collection, et voyez si journal indépendant lui a jamais fait entendre les vérités que lui a dites, parfois, Fiqaro !

Legendre.

[1SIC

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