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Feuilleton du Journal des débats

Journal des débats – 9 juin 1849

(...) J’ai déjà quelque part en réserve plusieurs violoncellistes du plus grand mérite, j’ai des violonistes, j’ai des pianistes, j’ai trois jeunes cantatrices, j’ai plusieurs débutantes charmantes, j’ai des flûtes, j’ai des bombardons, un saxophone, deux bassons ; et si je m’oubliais au point d’écrire seulement dix colonnes sur Alexandre Batta et ses nouvelles compositions pour le violoncelle, et sa verve aujourd’hui plus puissante que jamais parce qu’elle est mieux réglée, et ses succès en Belgique et à Paris ; si j’en écrivais autant sur le jeu élégant et expressif de Seligman ; autant sur Offenbach ; autant sur Chevillard et son beau talent classique ; autant sur ce jeune audacieux violoniste Reynier dont fortuna juvat arcum ; autant sur Cuvillon, artiste sérieux, virtuose de la grande école et qu’on entend trop rarement ; autant sur les nouvelles et très nouvelles compositions d’Alkan, autant sur Mlle Joséphine Martin, véritable pianiste qui possède son clavier ; autant sur Mlle Mira ; autant sur M. Stamaty ; autant, et ce ne serait guère, sur Mme Wartel, qui a, cet hiver, pris une si belle part aux séances de musique classique fondées et dirigées avec tant de talent par les frères Tilmant, MM. Rousselot, Dorus, Klosé, Verroust et Gouffé, virtuoses maîtres, sur lesquels j’aurais à écrire jusqu’à l’année prochaine ; si je ne mettais un frein à la fureur des flots de louanges que j’aurais à adresser à la jolie Mlle Wolf, à la jolie Mlle Prévost et à la jolie Mlle Cabel, qui toutes les trois ont obtenu de jolis succès à l’Opéra-Comique ; à Mme Castellan et à Mme Delagrange, qui l’une et l’autre ont continué leurs débuts dans Robert le Diable, ce n’est pas jusqu’à l’année prochaine que j’aurais à écrire, mais bien jusqu’au rétablissement de l’ordre et au retour du sens commun en Europe. Donc il faut absolument me montrer raisonnable, et ne faire qu’un seul bouquet des roses et des pivoines que j’ai à offrir à ces talens divers ; et cela seulement quand je trouverai un prétexte spécieux et plausible de céder à la ridicule démangaison [1] qui me pousse nuit et jour à produire de la prose et à parler de ce qui ne me regarde pas. (...)

H. Berlioz.

[1sic

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