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Gazette de Paris

Le Figaro – Mardi 30 avril 1867

(...)

C’était un spectacle attristant comme les représentations de cette dégommée de la tragédie, mademoiselle Cornélie, une comédienne de talent qui s’en va débiter dans les cafés-concerts les tirades les plus connues du répertoire classique. Dans la soirée d’hier, elle est venue dire aux Variétés les imprécations de Camille, et en cette circonstance, ainsi qu’on le verra plus loin, Offenbach a rendu à la tragédie un de ces services qu’on n’oublie jamais.

L’artiste chargé de donner la réplique à Camille s’aperçut, au moment où il s’habillait, qu’il avait publié son cothurne à l’Eldorado. Son embarras fut extrême, car il ne fallait pas songer à paraître devant le public en bottines vernies. Déjà mademoiselle Cornélie était prête à s’élancer sur la scène ; pas de cothurne ! Que faire ? Remettre la tragédie à un autre jour ? C’eût été une insulte aux dieux ! Sans le répertoire d’Offenbach, tout était perdu.

– Sauvé, mon Dieu ! s’écria le régisseur, sauvé ! Pourquoi monsieur ne chausserait-il pas un cothurne de la Belle Hélène ?

Ainsi fut-il fait. On courut au, magasin, et le cothurne de Calchas sauva la tragédie.

Quelle profanation !

Grâce à Calchas, Camille put lancer ses imprécations à côté d’un piano qui attendait l’accompagnateur de Suzanne Lagier. On ne s’imagine pas à quelle hauteur la tragédie peut s’élever dans le voisinage d’un piano ! Camille parlait de Rome, et l’on ne voyait que le piano en scène. Un piano pour tout ameublement, le cothurne de Calchas, un décor représentant un jardin anglais, et les imprécations de Camille !

La tragédie est tombée bien bas en France ! Si l’on compte sur moi, pour la relever, on s’expose à une désillusion de premier ordre.

Albert Wolff.

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