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Gazette des Tribunaux

Le Figaro – Jeudi 19 avril 1877

On a repris depuis quelques jours, au Châtelet, le Voyage dans la Lune. La pièce-féerie de MM. Leterrier, Vanloo et Mortier s’apprête à recommencer sur la scène de M. Castellano la longue et fructueuse carrière qu’elle a fournie, l’an dernier, au théâtre de la Gaîté.

M. Vizentini, sous le règne duquel la Gaîté s’est transformée en théâtre lyrique, n’a nullement besoin, pour encadrer les silhouettes gracieuses de Paul et Virginie, des trucs, des décors, du matériel qui a servi pour les représentations du Voyage dans la Lune.

Il a donc cédé le tout à M. Castellano, en autorisant son confrère à représenter sur la scène du Châtelet la pièce de MM. Leterrier, Vanloo et Mortier, et en se réservant seulement une part dans les bénéfices de la reprise.

Mais cet accord parfait n’a pas tardé à être troublé. M. Justament, le maître de ballets, a envoyé à M. Castellano des huissiers et une citation devant le juge des référés, en déclarant qu’il était l’auteur des deux ballets, les Chimères et les Flocons de neige, qui ont été intercalés dans le Voyage dans la Lune. M. Justament revendique la propriété des Flocons de neige et des Chimères, il réclame de M. Castellano le paiement de ses droits d’auteur, et ajoute qu’en définitive, il n’est point permis d’annoncer ses deux ballets sur des affiches, et surtout de les faire exécuter sur la scène du Châtelet, sans qu’il ait donné son autorisation.

Me Baudoin, avoué, qui venait soutenir la prétention de M. Justament à l’auteur des référés, a fait remarquer que M. Castellano avait essayé de tourner la difficulté en annonçant que les ballets qui accompagnaient la féerie avaient été réglés par M. Fichs. Me Baudoin estime que c’est là une supercherie inutile, puisque, même arrangée, l’œuvre de M. Justament ne saurait être représentée sans son agrément.

Me Lebrun, avoué de M. Castellano, a répondu que jamais on n’avait alloué de droits d’auteur au maître de ballets, qui s’était borné à régler une mise en scène. Du reste, a-t-il dit, pourquoi M. Justament fait-il le procès à M. Castellano ? Qu’il l’intente, s’il y tient, aux auteurs du Voyage dans la Lune, ou à M. Vinzentini, qui reste le propriétaire de la féerie, et qui en perçoit, à chaque représentation, une partie des bénéfices ! Quant à M. Castellano, il n’a fait que prêter sa salle, et ce qu’il encaisse n’est, en somme, qu’une indemnité de location. Il n’a donc que faire dans le débat que M. Justament soulève.

Le juge des référés a ordonné qu’en attendant l’issue du procès qui va s’engager au principal, M. Castellano serait tenu de prélever chaque soir, sur les bénéfices du Voyage dans la Lune, une somme de trente francs.

Cette somme sera remise entre les mains d’un séquestre, qui la conservera pour garantir des droits d’auteur réclamés, à tort ou à raison, par M. Justament, jusqu’à ce que le tribunal compétent ait réglé la situation respective des parties en cause.

Fernand de Rodays.

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