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La Haine

Le Figaro – Mercredi 9 décembre 1874

M. VICTORIEN SARDOU, DANS LA LETTRE QU’IL A ADRESSÉ À NOTRE COLLABORATEUR M. VITU, A VOULU RACONTER LA GENÈSE DE LA HAINE ET LES DIFFÉRENTES PHASES QU’A TRAVERSÉES CETTE REMARQUABLE CONCEPTION DRAMATIQUE. C’EST UN INTÉRESSANT CHAPITRE POUR L’HISTOIRE DU THÉÂTRE CONTEMPORAIN ET UNE VÉRITABLE BONNE FORTUNE POUR LES LECTEURS DU FIGARO.
N. D. LA R.

Lettre à M. Auguste Vitu

Monsieur,
La critique vient d’accueillir ma nouvelle pièce avec une faveur si marquée, que je veux la remercier ici publiquement de cette bienveillance, à laquelle je n’étais plus accoutumé ; et ce remerciement ne saurait être mieux placé que dans le journal qui m’a le premier prodigué des éloges, fortifiés de toute l’autorité de votre nom.
Aussi bien, Monsieur, et puisque l’hospitalité du Figaro m’est si largement ouverte, permettez-moi de la mettre à profit, pour répondre à certaines questions et discuter quelques objections qui me sont faites. – Nos grands écrivains dramatiques du dix-septième siècle ne manquaient pas à publier, avec leurs pièces, la Critique de ces mêmes pièces, et d’y plaider leur propre cause. L’usage est perdu ; et je le regrette. Que leur exemple serve du moins à me justifier ; mais, comme je n’ai pas la prétention de m’égaler à ces glorieux modèles, ma Critique de la Haine saura garder, ainsi que ma pièce, le rang qui lui convient, et n’affectera que la forme d’une simple et modeste causerie.
Et, pour commencer, je prendrai la liberté de répondre ici à trois lettres qui me sont arrivées par le même courrier, et qui ont trait à la même question.

La première me demande dans quelle chronique italienne j’ai puisé l’idée première de mon drame. Et l’auteur de cette lettre, qui signe bien, mais oublie de donner son adresse, « – a quelque vague souvenir d’une histoire de ce genre, racontée par Giovanni Villani, à propos de la délivrance de Sienne. » – Mon correspondant se trompe. Villani est mort de la peste en 1368, – un an par conséquent avant la défaite de Charles de Bohême : et je ne connais rien, dans ses récits antérieurs, qui ressemble à l’histoire de Cordelia.
Mon second correspondant n’oublie pas, lui, de donner son adresse ; mais il oublie d’être poli. Il ne demande pas où « – J’ai pillé celte légende. » – Il le sait ! « – C’est un vieux conte aussi célèbre en Italie que celui de Francesca, de Guido et Ginevra, de Roméo et Juliette, et de la Siennoise Pia de Tolomei ; et si je ne révèle pas, dès demain, ma source originale, il la révélera lui-même dans le Figaro. » – Je ne saurais assez l’y encourager !
La troisième lettre est plus douce. – Elle est d’une dame. Cette dame a parié que j’avais emprunté ma fable à un vieux roman du dix-septième siècle, intitulé : Les amants de Sienne. Je regrette de lui déclarer qu’elle a perdu son pari. Je connais bien ce roman ; mais je ne lui dois rien, et la prétendue légende d’Orso et de Cordelia est toute de mon invention, ou je serais bien trompé !

Mais elle n’est pas sortie tout armée de mon cerveau ; et jamais enfantement ne fut plus pénible que celui-là.
Tout le monde a pu croire, par exemple, que la première pensée qui m’a dicté la Haine fut celle-ci : – Donner un pendant à Patrie ! – Y étaler la guerre civile dans toute son horreur, et conclure en invitant les partis ennemis, à la concorde, pour faire face à l’Ennemi commun… – Cette idée se dégage si nettement de mon drame, elle le résume si bien, qu’elle semble l’avoir dicté tout entier. Il n’en est rien pourtant, – et ce que l’on croit mon point de départ, n’est tout justement que mon point d’arrivée.
Préoccupé de Patrie, je l’étais en effet ; mais de tout autre façon qu’on ne le pense… – C’était une question de Femme.
Voici comment :
Au risque de passer pour bien naïf, j’avoue que j’ai la dévotion de la Femme, et que mon estime pour elle s’accroît encore tous les jours ! – Dans cet abaissement trop sensible de l’esprit public, dans ce désarroi de notre intelligence sans clartés, et de notre raison sans boussole, je ne vois debout que l’éternelle bonté de la Femme, qui me semble grandie de tout l’écroulement du reste. Là où notre esprit s’éteint, son cœur resplendit. Le mari ne vaut pas l’épouse. Le frère ne vaut pas la sœur. Le père n’égale pas la mère ! Vaincus par elles au foyer domestique, nous croyons nous rattraper comme citoyens… ô Parisien, pense à ta femme pendant le siège !

Aussi, remarquera-t-on que dans mes pièces, la Femme a presque toujours le beau rôle, celui du bon sens, de la tendresse, du dévouement !… Je ne dis rien de mes jeunes filles. C’est une collection dont je suis fier. A part une ou deux Américaines, et les Benoîton, on les épouserait toutes ; et ce n’est pas un mince éloge !
Il y a pourtant bien quelques taches noires dans ce blanc cortége. Séraphine, par exemple, mais surtout Dolorès ! – Celle-là, qui m’était imposée par la donnée même de Patrie, a longtemps hanté mon sommeil, pour me reprocher de l’avoir faite si coupable. Je m’étais bien promis une création tout autre, où la femme apparût dans tout l’éclat de sa bonté native. Et c’est ainsi que Patrie a donné naissance à la Haine ; Cordelia n’ayant pour but que d’expier Dolorès !…
Mais, avant d’aller plus loin, est-il bien certain que le lecteur prenne goût à tous ces détails : Êtes-vous sûr que le spectateur soit curieux de savoir par combien de tâtonnements et de faux-pas, une pièce est venue jusqu’à lui ? Vous m’affirmez que oui, et je poursuis ; mais si je m’égarais en ce bavardage où l’on se complaît trop à parler de soi-même, criez-moi : « gare !… » et je m’arrête.
J’ignore comment l’idée dramatique se révèle à l’esprit de mes confrères : Pour moi, le procédé est invariable. Elle ne m’apparaît jamais que sous la forme d’une sorte d’équation philosophique, dont il s’agit de dégager l’inconnue. Dès qu’il s’est posé, ce problème s’impose, m’obsède, et ne me laisse plus de repos que je n’aie trouvé la formule.

Ainsi, pour Patrie, le problème s’était posé de la sorte :
Quel est le plus grand sacrifice qu’un homme puisse faire à l’amour de la Patrie ?
Et la formule trouvée, la pièce en découlait toute seule.

Pour la Haine, et en vertu de ce que je viens de dire, le problème se posait de la sorte :
Dans quelle circonstance, la charité native de la femme s’affirmera-t-elle d’une façon éclatante ?
La formule trouvée, et non sans peine, fut celle-ci :
Ce sera quand, victime d’un outrage pire que la mort, elle éprouvera pour son bourreau un sentiment de pitié, qui la fera voler à son secours.

On conçoit bien que ceci n’était que l’embryon, le germe de l’idée, mais il y avait déjà création : la pièce était encore à naître ; mais elle était conçue. Elle avait son âme ; il ne fallait plus que lui donner un corps.
Et je dis qu’elle avait son âme, parce qu’il n’est pas de pièce viable, si elle ne repose sur une idée primitive, éternellement juste et vraie ; et que j’avais le bonheur d’être en possession d’une idée de cette sorte : la femme versant à boire à son propre bourreau.
Que tant de bonté semble excessive à quelques personnes, je n’en suis pas surpris ; car ces personnes-là sont des hommes. Mais pas une femme ne protestera contre l’action de Cordelia ; car il n’en est pas une qui ne sente bien qu’à sa place, elle agirait comme elle ! – Donc, ma pièce était bien là, prête à pousser ses feuilles et ses fruits, à la seule condition de lui trouver le sol favorable et le soleil propice. – Et c’est de quoi je me suis mis en quête.
Et c’est de quoi je me mis en quête.
Mais voyez, pour le dire en passant, combien nous sommes encore loin de Sienne, des Guelfes et des Gibelins, et de tout le reste !…
Plus loin même qu’on ne pense ! Car la première condition qui s’imposait à ma donnée dramatique, était qu’elle se développât dans un milieu de violence qui expliquât la brutalité dont mon héroïne devait être victime ; et, sur ce point-là, l’histoire, qui n’est qu’une longue abomination, ne me laissait que l’embarras du choix ! – Encore fallait-il choisir.
Alexandre Dumas, premier du nom, dit quelque part : « L’histoire est bonne personne ! Soyez en possession d’une forte idée dramatique ; elle vous fournira toujours le milieu qui lui sied le mieux et le cadre qui la met le plus en relief. »
Et j’avais déjà vérifié l’exactitude de cet aphorisme, pour Patrie, qui, promenée d’abord de Venise à Londres, s’était définitivement installée dans les Flandres, à croire qu’elle y avait pris naissance.

Mais, pour la Haine, que de chemin je devais faire !
Je pensai d’abord à la Fronde : mais pas longtemps, il faut le dire… – Cette guerre de cancans, d’intrigues et de chansons, de ruelles et de paravents, n’était point mon fait. Et je ne voyais pas là de poitrines assez larges pour les passions que j’y voulais mettre. Et puis où trouver là-dedans mon héros ? Le peuple n’était pas né. Fallait-il chercher mon homme dans cette bourgeoisie ridicule qui faisait cause commune avec ses pires ennemis, – contre la Royauté, son alliée naturelle !… Je ne voulais pas d’un héros si maladroit.
Je me rabattis alors sur la Ligue. – Mais là encore, le même boutiquier, travaillant de tout son cœur à retarder sa propre émancipation, et à livrer la France à messieurs les Espagnols…
Je remontai jusqu’à Charles VII, et toujours le même homme, patrouillant aux remparts, et repoussant dans Jeanne d’Arc l’unité Française, au profit de Messieurs les Anglais, avec cet admirable instinct du faux et de l’absurde qui lui fait rarement défaut aux plus mauvais jours de notre histoire !
Je compris qu’il n’était que temps d’émigrer, mon idée et moi, et, franchissant les Alpes, nous nous trouvâmes en pleine Italie du quatorzième siècle !
Là !… Partout la guerre civile, non pas intermittente, comme chez nous, mais à l’état endémique. Une tuerie de trois siècles ! de ville à ville, de rue à rue, de chambre à chambre ! – Des passions sauvages, primitives, bestiales ! Des rancunes de tigres, des perfidies raffinées et savourées avec une féroce ivresse ! – Mais parfois, éclatant soudain au milieu de ces horreurs, comme une fanfare céleste, dans un chœur de démons, des actes d’un héroïsme à faire crier d’enthousiasme, et, pour faire oublier des crimes hors nature, des vertus plus qu’humaines ! Partout enfin, à Pise, à Florence, à Bologne, partout l’amour au début comme à l’apaisement de toutes les discordes : toujours et partout la femme !… Je compris que j’étais arrivé !…
Mais de Florence, de Pise, de Bologne, etc. ; que choisir ? … – J’optai pour Sienne… Car, dès mon premier pas dans cette admirable ville, je vis bien que mon action s’était passée là, et pas ailleurs ! Cette ville montueuse, ces ruelles étroites, ces costarelles bordées de murs sinistres et commandées par ces tours que tout Siennois avait le droit d’élever après une action d’éclat, et qui se trouvèrent un jour si nombreuses qu’il fallut en raser les trois quarts !… – Tout cela garde à tel point, aujourd’hui même, sa vieille figure d’autrefois, que mes décors semblaient tout placés, et n’attendaient plus que l’entrée de mes personnages.

Et puis quelles mœurs ! Des combats qui ressemblent à des fêtes. – Des fêtes qui ont l’air de combats ! – Des courses de chevaux héroïques d’audace… – Ce jeu des pugni, où toute la ville se dispute un ballon, à coups de poing le matin, à coups de couteaux le soir ? – Une telle soif de bataille, que l’hiver, quand chôme la guerre civile, on se bat d’une tour à l’autre, à coups de boules de neige ; et que les magistrats sont obligés d’intervenir, tant les femmes s’y passionnent !… On conçoit que chez ce peuple de batailleurs, je n’étais pas en peine de faire naître la querelle qui devait enfanter toute ma pièce. La lutte de Guelfes à Gibelins entraînait facilement l’outrage, puis la vengeance, puis le pardon !… Mais là, je m’aperçus tout à coup que, croyant tout avoir, je n’avais plus rien ; et ce fut un beau moment de découragement et de peur !…
C’est qu’en effet, en s’élargissant, le cadre menaçait de faire craquer la toile : – La guerre civile prenait dans mon drame une telle importance, qu’elle commençait à le dominer de toute part. Mon idée première, la charité de Cordelia, réduite aux simples proportions d’un acte de bonté personnelle, se noyait, inaperçu dans cette grande lamentation d’une ville en furie ! C’était bien du salut d’un homme qu’il s’agissait maintenant : Il y allait de celui de tout un peuple ! Pour que j’eusse le droit de pousser plus avant, la femme devait se compléter de la citoyenne ! Sa charité devait grandir à la hauteur d’un enseignement ! – Et l’eau versée par la Gibeline au Guelfe agonisant n’avait de raison d’être, qui si elle était comme la source où toute une ville en démence allait boire l’oubli des injures et l’amour de la concorde !
Et là seulement, et pour la première fois, m’apparut l’idée patriotique qui m’avait échappé jusqu’alors…
Seulement, avec le programme ainsi grandi, la difficulté grandissait aussi. – Transformer Orso, par l’exemple du pardon et par le remords – bien !… Mais quel acte lui faire accomplir, à la prière et en l’honneur de cette femme, pour rendre à tout un peuple le bienfait qu’il avait reçu d’elle ?

Je puis dire que j’ai rencontré dans ma vie peu de difficultés pareilles à celle-là ! Et j’ai bien cru que je n’en sortirais pas. Mais c’est là que j’ai pu reconnaître aussi à quel point est juste l’aphorisme de Dumas, et quelle précieuse collaboratrice est l’histoire, pour qui sait l’interroger. Ce que je cherchais, elle me le fournit elle-même, et plus grand que je ne l’aurais trouvé tout seul. – Quand l’histoire fait du drame, elle le fait bien !
« Le 18 janvier 1369, disent les chroniques, l’empereur Charles de Bohême entrait dans Sienne avec trois mille lances, commandées par le vicaire impérial Malatesta Unghero. Il venait, sous le prétexte de rétablir les Gibelins dépossédés par les Guelfes, mais en réalité pour faire acheter bien cher sa neutralité et son départ. A sa vue, Guelfes et Gibelins, vainqueurs et vaincus, oubliant leurs discordes séculaires, se ruèrent sur lui, avec un tel ensemble et une telle furie, qu’après sept heures de combat, l’Empereur, écrasé, fut trop heureux d’avoir la vie sauve, et de quitter la ville à des conditions plus douces qu’il ne le méritait. »
Il me suffisait de donner à Orso l’initiative de ce beau mouvement, pour lui faire attester son repentir et lui mériter son pardon !
Et voilà comment m’apparut enfin la lumière si longtemps cherchée. Comment l’appel à la concorde qui semble avoir inspiré toute ma pièce, ne s’y est révélé qu’à la dernière heure, en s’imposant en quelque sorte de lui-même : Comment enfin, ce qui paraît être la racine de mon drame, n’en est, au contraire, que l’épanouissement et la fleur !

Et maintenant, je m’aperçois qu’il ne me reste plus le temps de répondre aux objections qui me sont faites…
Je n’aborderai donc, et brièvement, que les principales.
On a blâmé mon dénouement. Vous avez pu constater qu’il n’était pas joué tel qu’il était écrit. Préoccupé du soin de ménager les forces d’un interprète bien courageux, mais bien souffrant aujourd’hui encore, j’ai pris, entre la représentation générale et la première représentation, le parti violent, de réduire ma scène finale au proportions les plus simples, car je la craignais écrasante pour ses forces, après le fatiguant discours du Campo. Permettez-moi de vous rappeler cette scène telle qu’elle était conçue, et telle que j’espère la rétablir un jour. Resté seul avec Cordelia, après la fermeture des portes de l’église, Orso comprend, à ses phrases entrecoupées qu’elle ne meurt pas de la peste, mais du poison !…… Il conçoit, dès lors, la possibilité de la sauver, et, s’élançant à la grille du chœur, il appelle ses amis à l’aide… puis écoute… C’est le silence !… – Il appelle de novueau, avec une anxiété croissante… l’écho seul des voûtes lui répond. Alors seulement il comprend, que, si on ne lui répond pas, c’est qu’on ne veut pas l’entendre ! – Il court à la grande porte, la secoue, l’ébranle, redouble ses appels, tour à tour suppliants, furieux… Et cette fois, pour toute réponse, c’est son chant de victoire, qui va s’éteignant tout au loin… Désespéré, affolé, il revient à Cordelia expirante, se jette sur elle en pleurant, puis, se redressant avec rage, bondit sur la grille du chœur pour l’arracher de ses gonds. Mais l’effort qu’il vient de faire a rouvert sa blessure, et il tombe avec un cri de douleur. Cordelia veut courir à son aide, ses forces la trahissent ; Orso, perdant tout son sang, résigné à mourir, se traîne jusqu’à Cordelia, pour recueillir son dernier souffle et mourir dans ses bras, et par elle, comme elle meurt par lui ! – ce qui est justice.
J’ai peine à croire que la scène ainsi jouée fût languissante et froide. Et je ne vous accorde pas volontiers que le silence forcé de Cordelia en atténue l’émotion. – Il me semble au contraire que son immobilité et son inconscience rendent plus saisissants les efforts désespérés d’Orso, qui seul s’agite, seul crie, et seul se désespère ?
Mais j’ai supprimé les cris, les portes, les grilles. – Et je sais bien tout ce que j’y perds.

Autre observation. – Vous me demandez si l’évêque Azzolino est un personnage historique, et vous doutez, en tout cas, qu’il ait joué ce rôle, tout de conciliation. Azzolino Malavolta fut le soixante-septième évêque de Sienne, et voici ce que dit de lui Antonio Pecci (Storia del Vescovade della cita di Siena, p. 274 et 283). – « Molto adoperossi questo zelante Prelato per riunire gli animi discordi de nobili et popolari che spesso venendo a fieri civili contrasti, se spargeva continuantente del sangue, etc., etc. »
M. Édouard Fournier, dont l’approbation m’est doublement précieuse, blâme la conduite de cet Évêque, qui ne devrait pas, dit-il, fuir devant les pestiférés, mais les secourir, comme Belzunce. – M. Fournier oublie que nous ne sommes pas encore au temps où les pestiférés étaient secourus. Azzolino lui-même n’a pas le droit de leur venir en aide. Le décret de Malerba est formel. – « On isolera toute personne atteinte de la contagion, pour étouffer le fléau dans son germe. » – Que l’Évêque tende la main à Orso, et il sera, lui aussi, rayé du nombre des vivants, ce qui n’est pas la bonne façon d’exercer son devoir pastoral.
Mais, décidément, j’aurais trop à faire de débattre ici toutes les objections qui me sont faites, et je vois bien que ce serait la matière d’un article aussi long que celui-ci, qui l’est déjà trop.

Je m’arrête donc, en me bornant à deux réflexions dernières.
Vous avez applaudi, Monsieur, aux efforts de mon style, pour être constamment à la hauteur du sujet ; et ce suffrage me console de la sévérité de quelques personnes, qui n’ont pas la même autorité que vous en telles matières.
Enfin vous avez déclaré que ma pièce est ennuyeuse pour ceux qui ne savent ni sentir ni penser, et c’est, de tous vos éloges, celui dont je suis le plus fier.
Agréez, Monsieur, l’expression de mes sentiments tout dévoués.
VICTORIEN SARDOU.

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