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Coulisses et ateliers

Le Gaulois – Vendredi 9 octobre 1868

Dans son compte rendu sincère et bien fait de la Périchole, mon ami Eugène Tarbé vous a parlé du singulier point d’orgue de Mlle Schneider au second acte. Il l’a qualifié de « beuglement. »

Je trouve qu’il a encore flatté ce bruit étrange ; car en sortant, Etienne Arago me disait :

– C’est la première fois que j’entends... au théâtre.

Tous les auditeurs de rote me comprendront.

Maintenant, pourquoi Mlle Schneider, qui avait dû s’apercevoir de l’effet fâcheux de son éructation, a-t-elle tenu absolument à en donner une seconde édition au public ?

Tarbé croit à de l’entêtement de la part de la diva ; ce qui serait, à mon sens comme au sien, très absurde, car les chut et les bruits aigres ne doivent jamais procurer à l’artiste qu’un plaisir assez mélangé. Moi, je crois plutôt à un effet de mécanique montée, à une exigence de la mémoire qui ne veut rien retenir de ce qu’on lui a fait apprendre, et qui, au moment voulu, laisse tout aller malgré la volonté de l’artiste.

J’en ai vu un exemple récent à l’Odéon, à la reprise de la Conscience. Un comédien, ordinairement mieux inspiré, s’avisa de souligner d’une façon extravagante le mot « Manheim. » Le public mumura [1] ; mais voilà que ce malheureux Manheim revint et avec plus de force encore que la première fois, ce qui augmenta d’autant les marques d’improbation.

Il est évident que ce n’est pas de gaieté de cœur que l’artiste s’exposait à une seconde explosion de mécontentement ; seule, sa mémoire trop fidèle, profitant du trouble qui se faisait dans la maison, avait tenu à montrer qu’elle n’avait rien oublié de ses leçons.

Il a dû en être de même pour Mlle Schneider ; le bis de son... point d’orgue a été indépendant de sa volonté, et on aurait tort de lui reprocher cette seconde manifestation de son estomac. C’est déjà trop d’avoir à blâmer la première.

Louis Leroy.

[1Sic.

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