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Courrier des théâtres

Le Figaro – Mercredi 29 janvier 1879

On se rappelle que c’est à une indisposition de Mme Théo, dans la Jolie Parfumeuse, que Mlle Granier, jusqu’alors peu connue, dut d’être mise tout à coup en lumière.

C’est de ce rôle joué en double que commença sa réputation.

Pareil fait semble devoir se produire aux Folies-Dramatiques, où Mlle Noémie Vernon, prise à l’improviste, vient de remplacer Mlle Girard indisposée, avec une verve et un entrain qui ont enthousiasmé toute la salle.

Du second plan où elle était, Mlle Vernon vient de passer carrément au premier en se révélant charmante chanteuse et habile comédienne.

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Nous avons annoncé que Madame Favart, le grand succès des Folies-Dramatiques, allait être jouée au Grand-Théâtre de Marseille. Voici, au sujet de cet ouvrage, la lettre que M. J. Offenbach a adressée à M. Campocasso, et qu’il nous a paru intéressant de publier.

Mon cher directeur,

Madame Favart au Grand-Théâtre, sur la scène où d’habitude votre excellente troupe interprète le grand opéra, voilà certes une entreprise hardie ! Tout autre que vous eût peut-être hésité.

Madame Favart porte, il est vrai, ce titre : opéra-comique, mais avec Hérold, Auber, Boïeldieu, Halévy, Adam, et surtout depuis ces grands maîtres, l’opéra-comique s’est à ce point développé qu’il a brisé son cadre et tend de plus en plus à se confondre avec un genre aux plus grandes allures. Depuis le Vaudeville, qui fut son berceau, l’opéra-comique a fait du chemin ; la juste balance entre le poète et le musicien a été faussée ; aujourd’hui la symphonie règne dans l’orchestre et le récitatif absorbe le dialogue.

Madame Favart n’a point de ces hautes visées. Mes prétentions se bornent à l’opéra-comique français, tel que l’ont connu nos pères ; l’opéra-comique qui fit la gloire des Grétry, des Dalayrac, des Monsigny, des Nicolo, pour ne citer que les plus illustres, et la fortune des théâtres qui l’exploitaient.

Et nous avons tant et si bien oublié la tradition, qu’un retour au véritable opéra-comique peut sembler à bien des gens une audacieuse innovation, alors que ce n’est à proprement parler qu’un essai de restauration.

C’est pourquoi, en dépit du succès qu’obtient chaque jour ma pièce, malgré la faveur publique qui devrait m’encourager, je ne suis pas sans appréhensions.

Le public marseillais est un juge redoutable, car en matière d’art son goût est sévère et délicat ; je me rassure pourtant en me rappelant que la presse de Marseille s’est toujours montrée fort bienveillante à mon égard, et je me dis aussi que si le Grand-Théâtre est un cadre solennel qui pourrait tromper sur les dimensions de l’œuvre, le titre de mon opéra comique suffît à en déterminer les véritables proportions.

Mme Favart, en effet, c’était l’incarnation de la chanson française.

Un tel sujet ne pouvait inspirer qu’une comédie à ariettes, agrandie, développée c’est ce que j’ai prétendu faire, et je vous serais fort obligé, mon cher directeur, si vous vouliez bien en prévenir nos bons amis de la presse.

Votre

Jacques Offenbach.

Charles Darcours.

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