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Gazette de Paris

Le Figaro – Lundi 11 janvier 1869

Voilà une année qui commence bien :

Le vice-roi d’Egypte, voulant donner aux populations une nouvelle preuve de sa sollicitude paternelle, vient de faire traduire la Belle Hélène en Arabe, et son spirituel et cher collègue Chilpéric, désirant encourager la science, qui a déjà fait un si grand pas depuis l’Œil crevé, organise une représentation au bénéfice de M. Lambert et de son expédition au pôle Nord.

Il faut croire que, pendant son voyage à Paris, le vice-roi d’Egypte n’a distingué dans la littérature contemporaine que les œuvres des fellahs Ludovic Halevy [1] et Meilhac. Son Altesse n’aurait qu’un
moyen de récompenser dignement le principal auteur de l’ouvrage distingué auquel elle s’intéresse si vivement : ce serait de se faire représenter à la Conférence par Jacques Offenbach qui, soyez en bien convaincu, donnerait à la question d’Orient une tournure inespérée.

Les Arabes vont, sans aucun doute, être enchantés ; ces mécréants nous ont légué toute une civilisation, une poésie, une architecture ; il était évident qu’il fallait un jour ou l’autre liquider ce vieux compte ; le vice-roi s’en est chargé ; en échange, de tout ce que les Arabes ont donné à l’Occident, nous leur offrons le poëme de la Belle Hélène.

Cela va leur donner une crâne idée de notre civilisation.

(...)

On attend l’arrivée de mademoiselle Schneider en Egypte avec l’impatience qui a précédé l’arrivée à Paris des plénipotentiaires chargés de régler la question d’Orient. Quand les journaux du pays annoncent que la Belle Hélène, retenue par ses engagements à Paris, ne pourra probablement pas arriver au jour indiqué, les fortes têtes égyptiennes secouent la tête et disent

– Mauvais signe !

(...)

Les moralistes qui ont blamé le vice-roi d’Egypte, parce qu’il faisait de si grandes dépenses pour recevoir dignement l’opérette française, en seront pour leurs frais de dénigrement systématique. Ce n’est pas pour son propre plaisir qu’il élève un monument à l’œuvre d’Offenbach ; son ambition est plus grande.

Si l’on joue la Belle-Hélène en Egypte, c’est pour le bien du peuple, et afin qu’aucune finesse de notre poésie nationale n’échappe au plus infime sujet, on fait traduire l’œuvre dans toutes les langues pour la mettre à la portée de toutes les intelligences.

(...)

Albert Wolff.

[1Sic.

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