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A ce sujet, laissez-moi vous conter l’histoire que voici :
Il y a quelques années, Offenbach et Crémieux étaient à Ems, ils collaboraient pour Robinson et... la roulette. Deux pièces qui n’ont pas eu de veine. Un matin Offenbach dit à Crémieux :
— Il faut nous occuper du troisième acte.
— A qui le dites-vous s’écria Hector, nous en recauserons aussitôt que nous serons refaits.
— Mais, malheureux, nous sommes décavés.
— Je le sais, fit Crémieux, mais cela ne prouve qu’une chose.
— Laquelle ?
— Il faut nous recaver.
— Avec quoi ?
— Je n’en sais trop rien ; mais il faut nous recaver.
L’arrivée de Briguiboul, le directeur d’Ems, interrompit ce duo.
— Je sais que vous perdez beaucoup, dit-il à Crémieux, et je viens vous offrir un moyen de vous refaire.
— Voyons.
— Faites une pièce avec Offenbach pour le théâtre d’Ems.
— Volontiers.
— Puis-je compter sur vous pour l’année prochaine ?
— Jamais ! s’écria Crémieux, je vous la porterai demain matin.
En six heures Hector improvisa : les Eaux d’Ems [1] ; en six heures, Offenbach écrivit la musique ; – le soir la pièce fut remise à Briguiboul.
Le lendemain, à l’ouverture des jeux, les deux collaborateurs travaillaient la roulette, à midi ils étaient refaits.
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Don Quichotte.