Par date

La Soirée Théâtrale

Le Figaro – Dimanche 4 mai 1879

(...)

UN DINER DE CENTIÈME

(...)

Avant d’aller au Cirque d’été, j’ai assisté au dîner de la centième de Madame Favart, à l’Hôtel Continental.

Jusqu’à présent, les fêtes de ce genre se donnaient après minuit, au sortir de la représentation, ou même quelquefois dans la journée, avant le spectacle. Mais M. Cantin est un novateur effréné. Déjà, grâce à sa grande expérience des centièmes, il a attaché son nom a plus d’une idée originale. En pareil cas, il a l’inspiration généreuse ; entr’autres changements heureux au programme habituel de ces solennités, l’art dramatique lui doit, par exemple, les centièmes représentations demi-gratuites avec distribution de brioches et de bière de Strasbourg aux invités des petites places.

Cette fois, tenant à se surpasser, il a supprimé la représentation du soir pour la remplacer par une matinée fort brillante au bénéfice des inondés de Szegedin. Cela lui a permis d’abord de récolter une somme assez ronde pour ceux qu’il voulait secourir, puis de remplacer le banal souper de centième par un dîner et d’attacher son nom à une nouvelle idée de cuisine dramatique.

Tous les convives, enchantés de s’amuser sans être obligés de passer la nuit hors de chez eux, ont fait honneur au festin, chose assez rare dans les soupers où l’on mange du bout des dents, et sans conviction, les plats peu variés de charcuterie et de volaille froide. Après la réussite complète et d’ailleurs prévue de cette réunion, il me semble difficile que la mode des dîners de centième soit adoptée par ceux des confrères de M. Cantin pour lesquels une centième n’est pas une éventualité tout à fait improbable.

Il est vrai que lorsqu’on aura dîné pendant plusieurs années pour fêter les succès il se trouvera sans doute un confrère grincheux qui démontrera que les dîners de centièmes sont des cérémonies froides et monotones qu’il serait bon de renouveler un peu. Alors quelque directeur bien avisé – souhaitons à M. Cantin que ce soit encore lui – aura une idée grande et nouvelle :

Il remplacera le dîner de centième... par un souper !

Un Monsieur de l’orchestre.

Par date
Par œuvre
Rechercher
Partager