Par date

Les premières

Le Gaulois – Dimanche 14 décembre 1879

La Fille du tambour-major, opéra-comique en trois actes et quatre tableaux paroles de MM. Alfred Duru et Henri Chivot ; musique de Jacques Offenbach.

Je crois que de longtemps nous ne retournerons aux Folies-Dramatiques.

Offenbach tient un de ces succès tels qu’il n’en aura eu que rarement de plus durables.

Beaucoup de verve et de fantaisie, beaucoup de délicatesse et de fraîcheur dans les idées voilà, en deux mots, le jugement que l’on peut porter sur sa nouvelle partition. On doit y ajouter une grande facilité, qui rendra bien des morceaux populaires.

Le livret de MM. Chivot et Duru est charmant non pas que l’intrigue et les développements brillent par une originalité exagérée, mais la pièce est fort bien faite !

On y trouve de tout, des situations amusantes, des scènes de reconnaissance d’enfant à faire rêver d’Ennery et pleurer tout le quartier, et enfin un superbe tableau final à la façon des pièces militaires, qui a fait vibrer tout ce qui reste encore de chauvin dans le cœur du public.

Si l’on veut connaître le sujet de la pièce, le voici :

Un teinturier qui faisait assez mauvais ménage avec sa femme a fini par divorcer. Les guerres de 1792 sont arrivées, le teinturier est parti pour la frontière, et, quand il est revenu à Paris couvert de lauriers, il n’a retrouvé ni sa femme ni sa petite fille.

L’infidèle était entrée au théâtre, s’y était fait un nom comme cantatrice et avait fini par épouser un grand seigneur à moite gâteux, le duc Ascanio della Volta.

C’est dans le palais du duc que le teinturier, devenu tambour-major, retrouve sa fille, et celle-ci, comme il convient dans un opéra-comique, abandonne sa mère et renonce à l’opulence qui l’entoure pour suivre son père, manger à la gamelle, enfin épouser le lieutenant Robert lorsque les Français sont entrés triomphalement dans Milan.

Nous avons encore un tambour amoureux d’une cantinière, des pensionnaires et des religieuses dont le couvent est pris d’assaut, et enfin et surtout le dernier tableau, celui de l’entrée dans Milan des Français, précédés d’une musique militaire qui joue le Chant du départ.

Ce tableau, d’un grand effet, contribuera beaucoup au succès de la pièce tout le monde a applaudi, sans distinction d’opinions, le splendide chant patriotique de Gossec ; la mise, en scène est très remarquable, et il faut se reporter au célèbre tableau de la Libération du territoire, dans la Revue du Château-d’Eau, pour trouver rien de comparable.

Dans toute la partition, on aurait peine à trouver un morceau médiocre. Parmi les plus remarquables il faut citer la chanson de l’Ane, dite très gentiment par Mlle Noémie Vernon ; les couplets amusants du tailleur amoureux, chantés par Simon-Max les couplets très fins, très jolis du Gentil Français et de Pour recevoir un régiment adorablements dits par Mme Simon-Girard.

Au deuxième acte, les couplets de la Migraine, chantés par Mme G. Girard ; quatuor très vif du Billet de logement, la valse et la chanson de Mam’selle Monthabor, par Mme Simon-Girard.

Au troisième, rondeau très drôle, en forme de gigue, que dit, à faire mourir de rire, Mme Simon-Girard, et enfin le duetto plein de fantaisie de la Confession, chanté par Mme C. Girard et M. Luco.

La pièce est généralement bien jouée.

Mme Simon-Girard a gagné en finesse de diction ce qu’elle a perdu en puissance vocale. Elle a eu un grand succès, très mérité ; on lui a fait, non pas bisser, mais trisser la plupart de ses morceaux.

La gentille Noémie-Vernon est une cantinière fort délurée, et Mme C. Girard, une duègne d’opéra-comique comme il n’y en a pas.

M. Luco a composé le type du teinturier tambour-major avec beaucoup de finesse ; il a montré au deuxième acte, des qualités de sensibilité que nous ne lui connaissions pas ; il a fait pleurer comme un artiste de drame.

M. Maugé a créé une ganache extraordinaire ; M. Simon Max joue très agréablement le rôle du tambour Griolet ; M. Lepers n’était peut-être pas en pleine possession de ses moyens, il se rattrapera plus tard.

Et il aura le temps nous retournerons l’entendre à la 500e.

Georges Boyer.

Par date
Par œuvre
Rechercher
Partager