— On dit souvent que les auteurs français ne touchent pas de droits d’auteur en Allemagne. M. Offenbach ne saurait être de cet avis, puisque il a reçu du théâtre Friedrich-Wilhelmstad, à Berlin, pour 146 représentations de la Vie parisienne, données l’année dernière, 7,100 thalers. soit 27,000 fr. de droits. C’est un assez beau denier, surtout si l’on pense qu’à côté de la Vie parisienne on n’a pas cessé de donner la Belle Hélène et Orpheus qui lui rapportaient aussi d’assez jolis bénéfices. On vient de donner au même théâtre la Grande Duchesse de Gérolstein. Il est vrai que M. Offenbach est plus Allemand que Français.
— A propos des opérettes d’Offenbach, le journal la Meuse parle en ces termes de l’opérette de la Grande-Duchesse en Belgique et de ses deux principaux interprètes :
« TÉATRE-ROYAL. — Grâce au splendide talent de M. Dupuis et de la charmante artiste qui l’accompagne, Mlle Rose Bell, la Grande-Duchesse de Gérolstein avait encore fait salle comble hier au Théâtre-Royal. Nous ne saurions trop le répéter, Dupuis est admirable dans le rôle de Fritz. Impossible d’être plus adorablement bête. Ses jeux de physionomie, ses mots, tout porte et fait naître le meilleur rire. Mlle Bell est, ni plus ni moins, ravissante. Elle chante comme une fauvette. Elle a, dans le rôle de la Grande-Duchesse, dont elle sauve les situations risquées avec une grâce et un tact parfaits, un cachet qui la place au premier rang des interprètes de ce rôle. Elle se montre en tous points digne de Dupuis, l’artiste complet par excellence. C’est une grande et belle femme, une vraie duchesse, au sourire fin, à l’œil spirituel, au geste gracieux jusque dans la cascade. On l’écoute et on l’admire toujours. MM. Joyeux, Touroul, Poirier et Mlle Irma continuent à montrer beaucoup de zèle clans l’interprétation de leurs rôles.
« La Grande-Duchesse attirera encore la foule ce soir. A Paris, la célèbre pièce d’Offenbach a eu plus de 200 représentations au théâtre des Variétés. Le produit de ces représentations a été de 870,000 fr. Sur cette somme les pauvres ont touché 79,000 fr. et les auteurs 104,400 fr. Le bénéfice de M. Cogniard, le directeur, a été de 230,000 fr. en sept mois.
« La Grande-Duchesse a été successivement visitée à Paris par deux empereurs, une impératrice et un nombre de rois, de reines, de princes, de princesses et d’archiducs qu’il serait facile, mais trop long d’énumérer.
« Pendant ces 200 représentations, le public a vu et applaudi : trois grandes-duchesses, à Paris, Mmes Hortense Schneider, Émilie Garait et Lise Tautin. — Nous ne croyons pas que l’une d’elles ait été plus artiste et plus charmante que Mlle Bell.
« Deux généraux Boum : MM. Couder et Christian ;
« Trois princes Paul : MM. Grenier, Aurèle et Hittemans ;
« Deux barons Grog : MM. Kopp et Blondelet ;
« Deux Vanda : Mlles Garait et Georgette Vernet.
« Seul, parmi les principaux interprètes de l’œuvre, M. Dupuis a résisté à la fatigue de ces 200 représentations et a tenu jusqu’à la fin le rôle de Fritz dont il est le créateur intelligent, et, pour ainsi dire, le seul interprète possible. On verra ce soir si nous exagérons. »
X.
Tout cela n’est que trop vrai ! — et Geneviève de Brabant est en chemin de renouveler à Paris le fanatisme de la Grande-Duchesse. Aussi la Belgique réclame-t-elle Geneviève et ses compagnons d’armes, sur toute la ligne.
J.-L. Heugel, directeur