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Courrier des théâtres

Le Figaro – Lundi 1er mars 1875

Inutile de constater une fois de plus le succès de Geneviève de Brabant ; les quatre chiffres suivants en disent plus que tout :

Première 3,449 (service de presse)
Deuxième 5,112
Troisième 8,010
Quatrième 9,329 !!
25,900

Devant de tels résultats, et surtout devant les nombreuses demandes, Offenbach a décidé que Geneviève sera donnée dans la journée, jeudi de la Mi-Carême, indépendamment du soir ; naturellement, il avait hésité jusqu’ici, ne voulant pas surmener son personnel, rendu de fatigues ; mais, en présence de l’unanimité des demandes, il a du céder.

Donc jeudi, matinée avec Geneviève de Brabant !

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Mme Judic, tout à fait remise de l’indisposition qui l’a tenue trop longtemps éloignée de la scène, partira mercredi soir pour Saint-Pétersbourg.

Elle doit y donner quarante représentations, à 1,500 fr. chacune, sur le Théâtre-Bouffe, mais elle débutera le premier soir au Théâtre-Michel.

Outre les chansonnettes qui ont fait ses premiers succès, Mme Judic chantera en Russie les principaux rôles de son répertoire : La Timbale, Madame l’Archiduc, La Rosière d’ici, Mariée depuis midi, Bagatelle, la Jolie Parfumeuse et Pomme d’api.

La charmante Molda emporte aussi dans ses bagages un acte de MM. Adrien Decourcelle et William Busnach, Le Frotteur d’une Étoile, qui va entrer ces jours-ci en répétition au Vaudeville, et qu’elle créera presque à la même époque au Théâtre-Bouffe.

Bon voyage et bon succès.

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Un fait curieux.

En même temps que Paris, et même avant Paris, toutes les capitales de l’Europe ont appris le succès de Geneviève, à la Gaîté.

À minuit, l’Agence Havas l’annonçait dans toutes les dépêches entre deux informations politique.

Nous parions que cette nouvelle a intéressé plus de monde que bien des cancans politiques, qui sont toujours les mêmes.

*
* *

Il y a, à la Gaîté, un jeune régisseur, M. Baudu, qui mériterait de poser pour la statue du Dévouement si l’on élevait jamais une statue à cette vertu rare.

Vous savez que le Défilé des moyens de locomotion emploie une centaine de moutards qui sont bien l’armée la plus indisciplinée, la plus difficile à manœuvrer. Ce que l’on a eu de peine à régler pittoresquement ce défilé est inimaginable, mais enfin on y est arrivé à force de persévérance et de patience.

Quand le jour de la première a été proche, Offenbach n’a plus eu qu’une crainte : c’était que ce peuple de bambins ne fût en proie, comme les grands artistes, à l’émotion d’un premier début ou à des distractions bien naturelles à cet âge si tendre. Le moindre retard dans l’entrée en scène de chaque groupe pouvait ralentir le défilé, jeter un froid, etc., tec.

C’est alors qu’au lieu de rester dans les coulisses en costume de ville, M. Baudu proposa à son directeur de s’habiller en page, ce qui lui permettrait de circuler sur le théâtre et de surveiller tous les mouvements des gamins ans que le public ne se doutât de rien.

Bien entendu, le maestro accepta avec joie.

Et voilà comment, jeudi soir, il n’y eut pas un accroc dans le défilé des voitures. Le page Baudu était là, au fond de la scène, à gauche, faisant aux moutards, à voix basse, toutes les recommandations utiles.

Jules Prével.

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