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Échos de Paris – À travers Paris

Le Figaro – Jeudi 22 février 1877

Nous avons appris il y a quelques jours à nos lecteurs que M. J. Offenbach allait intenter un procès en diffamation au journal Le Siècle.

Résumons le débat :

Le Siècle a prétendu en termes plus ou moins blessants que M. Offenbach revenant de New-York à Paris avait, à la table du paquebot, tenu des propos injurieux pour la France. Il ajoutait qu’un sénateur français présent à la discussion, avait été obligé d’intervenir et de le rappeler rudement au respect du ruban qu’il portait et des lettres de naturalisation qu’il avait sollicitées.

M. Offenbach, informé de cette affaire, a aussitôt écrit à M. Roussel, député de la gauche, qui faisait en même temps que lui la traversée transatlantique. Celui-ci lui a immédiatement répondu par une lettre qui donnait un démenti formel à l’accusation portée par le Siècle.

Le sénateur en question, ignorant cette lettre que M. Offenbach réservait pour le procès, s’est fait connaître pour M. Arbel et a adressé, huit jours après, au Siècle, la confirmation de ce que ce
journal avait dit.

En présence de la lettre de M. Arbel, M. Offenbach, n’attendant pas l’issue du procès, vient d’adresser au Siècle la lettre de M. Roussel, dont voici la teneur :

Paris, 14 février 1877.

Cher monsieur,

On me remet à l’instant votre lettre et votre livre. Je m’empresse de vous remercier de votre aimable souvenir ; le plaisir que me fait
cet envoi est gâté un peu par ce que vous me dites d’un article qui a paru hier dans le Siècle. Je n’ai pas lu cet article ; mais puisque
vous faites appel à mes souvenirs, je vous envoie d’autant plus volontiers mon témoignage, que j’ai conscience d’avoir involontairement contribué à un incident qui semble avoir été singulièrement dénaturé, s’il a servi à une attaque contre votre patriotisme.

Nous venions de nous mettre à table pour le déjeuner ; le service tardait ; vous tournant vers moi : « Si nous, parlions politique ? »
m’avez-vous dit en riant. – « Avec plaisir, ai-je répondu, si c’est amusant comme en Gérolstein. »

C’est sur ce ton que vous avez parlé des républicains, en termes plutôt joyeux qu’offensants, et dont aucun des témoins du point de
départ de la conversation n’aurait songé à s’offenser. Par malheur est survenu un de nos compagnons de voyage, qui, bien moins préparé, a cédé à un mouvement d’impatience et vous a invité au respect de la forme de gouvernement de notre pays. J’ai cherché aussitôt à lui faire comprendre que votre querelle ne tenait qu’à une méprise. Chacun
semblait l’avoir reconnu et j’espérais qu’il n’en restait plus aucun souvenir à personne.

Voilà pourquoi j’apprends avec peine que cet incident est relevé et défiguré dans un journal. Je connais trop votre interlocuteur pour n’être pas certain qu’il y est étranger : c’est un homme excellent et d’une parfaite loyauté ; il n’a pas pu dire que vous avez insulté la France, personne à bord du Canada ne vous a entendu parler d’elle qu’avec les sentiments d’un Français profondément dévoué à son pays.

Recevez, cher monsieur, en attendant que je puisse vous remercier de vive voix, l’expression de mes sentiments dévoués.

Théophile Roussel.

Quant à nous, sans préjuger de l’issue de l’affaire, nous ne croirons jamais qu’Offenbach ait prononcé un mot qui ne soit de sympathie ou de reconnaissance pour la France, son pays d’adoption.

Le Masque de fer.

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