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Courrier des théâtres

Le Figaro – Lundi 22 février 1875

Le succès de la Princesse de Trébizonde poursuit son cours et l’heureux caissier des Bouffes se frotte chaque soir les mains en encaissant des recettes qui atteignent toujours le maximum.

Il faut bien dire que la pièce est très gaie ; et que la musique spirituelle, endiablée d’Offenbach fait de cet opéra-bouffe un ouvrage absolument complet.

Au premier acte le boniment dit par MM. Daubray et Bonnet n’est qu’un long éclat de rire.

Nous allons pour messieurs les amateurs de calembours donner cette parade arrangée, trouvé et composée par Daubray.

Cabriolo MM. Daubray
Trémolini Bonnet

CABRIOLO
Mesdames et Messieurs.

TRÉMOLINI
Les dames et ces cieux.

CABRIOLO
Tu n’as pas fini.

TRÉMOLINI
Il n’a pas fini. (Coup de pied.)

CABRIOLO
La famille Cabriolo si avantageusement connue partout où elle a passé va z’avoir l’honneur de vous donner aujourd’hui une représentation des plus extraordinaires, mais avant tout, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous présenter les principaux membres de cette famille ; en voici le chef, l’illustre Cabriolo ; il n’est pas dans un sac, tout le monde peut le voir ; ma plus jeune, mon dernier fruit possède ne voix de fauvette et la légèreté de la gazelle, c’est malin comme un singe, tout le portrait de son père ; ma sœur, que dans l’intimité nous appelons Eléphantine, est en train de revêtir le costume que lui a donné la reine de Madagascar à une sortie de bal, paraîtra za cette brillante représentation et vous exécutera le retour du conscrit avec un poids de 50 à chaque petit doigt ; M. Trémolini, mon secrétaire intime, qui a fait toutes ses études dans les couloirs de l’université du Mans, ce qui vous prouve que ce n’est pas une cie. Voyons, monsieur Trémolini, vous sentez-vous en verve ?

TRÉMOLINI
Oui patron.

CABRIOLO
Alors lancez quelque lazzis à la foule

TRÉMOLINI
Voulez-vous jouer sur les pies, patron ?

CABRIOLO
Sur les pies, soit, monsieur Trémolini.

TRÉMOLINI
Nous avons les pies… gnons, les pies… cier, les pies… gastre, les pies… grammes, les pies… phanie, et puis quand vous avez bien déjeuné, patron, vous avez la pie… tuite coup de pied.

CABRIOLO
Puisque vous êtes si malin sur les pieds, monsieur Trémolini ; pourriez-vous me dire quelles sont les pieds qui ne savent où reposer leurs têtes ?

TRÉMOLINI
Les pies sans lit…

CABRIOLO
Et la plus guerrière ? – la pie… hoche, la plus nécessaire ? – la pie… tance, et celles que je préfère ? – les pies… caillons, mettons l’épi de côté et dites-moi, si vous le pouvez, monsieur Trémolini, la différence qui existe entre un gendarme et un bouillon aux herbes ? – C’est que le premier vous arrête et le second vous relâche.

TRÉMOLINI
Patron ? Pourquoi Bidel reste-t-il debout dans sa cage ? – Parce qu’il y a de la gène assis (Genassy, l’artiste des Variétés).

CABRIOLO
Auriez-vous le courage qu’a montré cette aimable personne, M. Trémolini ? Oseriez-vous entrer dans la cage de ces animaux féroces ?

TRÉMOLINI
Oui, patron, en me faisant faire un habit d’elle (Bidel).

CABRIOLO
Quelle analogie y a-t-il, monsieur Trémolini, entre un maçon et une corsetière ? – C’est que tous les deux font des niches pour les saints (seins) ?

TRÉMOLINI
Patron ? Quelle différence y a-t-il entre une danseuse et le bois de Boulogne ? – Il n’y en a pas, tous deux portent maillot.

CABRIOLO
Quelle est la partie de la France où l’on se parfume le plus ? – C’est le département de l’Eure, parce que tous ses habitants s’y lavent avec de l’eau-d’Eure.

TRÉMOLINI
Quelle est la lettre la plus chaude de l’alphabet ? – Le J. quand il est de flanelle.

CABRIOLO
Qu’est-ce qui fait le désespoir des teinturiers ? – La lune, parce qu’ils ne peuvent la teindre ; et quel est le portrait le plus mal fait des grands personnages de l’antiquité ? – Celui d’Absalon, parce qu’il est tiré par les cheveux. Quelle est la saison la plus fatale aux journalistes ? – L’automne, parce que c’est la chute des feuilles. – Mesdames et messieurs, il est inutile de vous amuser plus longtemps aux bagatelles de la porte ; une foule immense attend à l’intérieur que nous commencions. Outre les exercices de force, d’adresse, d’agilité et d’équilibre, qu’il serait trop long de vous énumérer, et la fameuse galerie de cire dans laquelle vous admirerez la merveilleuse princesse de Trébizonde, vous y verrez aussi une collection d’animaux aussi féroces qu’inoffensifs, aussi courageux qu’amphibies, ayant la plus grande horreur de l’eau et s’acclimatant très difficilement sur la terre ! Ces animaux sont enfermés dans des cages d’osier à seule fin qu’ils ne mordent personne. Car si ces animaux, ils sortaient des barreaux de leurs cages, ils biffa fa fa merait la première personne sur lequel y sauterait.

TRÉMOLINI
Il bifferait, rayerait, supprimerait la première personne sur laquelle il sauterait.

CABRIOLO
Vous y verrez entr’autres le serpent véritable piton, venant de la Chine, autrement dit le boa, dit le Constructeur… s’allongera à 18, 20, 22 pieds de longueur, fait l’effet d’une sangsue, si cet animal y sortait des barreaux de sa cage [quelques mots illisibles] première personne sur lequel y sauterait.

TRÉMOLINI
Y biffamerait [1 mot illisible] première personne sur lequel y sauterait.

CABRIOLO
Vous y verrez aussi le lézard surnommé l’ami de l’homme ; cet animal s’endort généralement sur des hautes herbes, malheur aux voyageurs qui s’égarent dans ces parages ! cet animal incestueux il lui pénètre dans les narines et lui démanges les intestins ! si cet animal [2 lignes illisibles] sur lequel y sauterait.

Vous verrez aussi l’éléphant blanc surnommé le magat d’Afrique. Cet animal fera le tour de la société en marchant sur un fromage mou, sans y laisser la trace de ses pas ; si cet animal y sortait des barreaux de sa cage, bifferait pep e première personne sur lequel y sauterait. [30 lignes illisibles] que mon annonce n’est nullement mensongère, combien paierez-vous [2 mots illisibles], Mesdames et Messieurs, la faible et modique somme de dix centimes… deux sous. (Ils battent de la caisse et du tambour.)

Gustave Lafargue.

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