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La Soirée Théâtrale

Le Figaro – Mardi 12 octobre 1875

(…) Les Variétés sont fermées.

M. Bertrand a pu annoncer, en lettres colossales, les répétitions générales de la Boulangère a des écus.

Il est bien heureux, ce soir, M. Bertrand !

S’il avait osé, il aurait mis en tête de son affiche :

Enfin nous avons fait relâche !

Depuis neuf mois, M. Bertrand ne vit que pour la Boulangère, ne prépare que la Boulangère !

Par exemple, Offenbach est moins heureux que lui.

La relâche de ce soir est, pour le compositeur, le commencement d’une série de relâches. Après les relâches des Variétés, les relâches de la Gaîté ; après les relâches de la Gaîté, les relâches de Bouffes.

Offenbach a trois pièces sur les bras, trois pièces qui passeront à huit jours d’intervalle ; trois troupes, trois directeurs à contenter, sans compter les six auteurs des trois poèmes.

Dans chacune de ses pièces il y a un duo de femmes. A la Gaîté : Zulma Bouffar et une débutante, Mlle Marcus ; aux Variétés : Paola Marié et Aimée ; aux Bouffes : Judic et Vanghell. Quand on pense aux exigences d’une seule diva, on se demande comment, au milieu de tant d’occupations et de soucis, Offenbach a pu contenter les six étoiles de ses trois opérettes.

Les trois partitions de la Boulangère, du Voyage dans la Lune et de la Créole ont été écrites en même temps.

Offenbach avait acheté un gros cahier de musique qu’il avait divisé en trois parties. Il passait de l’une à l’autre, notant sur la page quarante une chanson pour Judic, sur la page vingt-cinq une valse pour Zulma Bouffar et sur la page douze un air pour Paola Marié.

De temps en temps, voici ce qui se passait :

Les auteurs d’une des trois opérettes venaient le soir. Ils lui avaient apporté la veille les paroles d’une romance sentimentale.

– Voilà votre affaire, leur disait Offenbach, écoutez cela !

Et il leur jouait avec un entrain d’enfer une polka ravissante : un morceau de l’opérette d’à-côté.

Il en est résulté ce fait bizarre que, jusqu’au jour des répétitions, l’auteur de la Créole avait entendu la musique du Voyage dans la Lune, tandis que les auteurs du Voyage dans la Lune avaient entendu la musique de la Boulangère, et les auteurs de la Boulangère la musique de la Créole.

Par exemple, la partition qui les intéressait le plus était celle qu’ils connaissaient le moins !

Un monsieur de l’orchestre.

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