La Périchole ramène à Offenbach ; d’Offenbach à la jettatura il n’y a que les deux doigts de la main. Je ne suis pas superstitieux ; voici cependant une anecdote arrivée, bien faite pour affirmer certains préjugés.
En 1854, Sardou se présentait à la Société des auteurs dramatiques, – c’était après la chute de la Taverne. L’un de ses parrains était M. Doucet, auquel il devait la réception de sa première pièce à l’Odéon.
Au jour fixé pour aller signer rue Saint-Marc, Sardou se rendit à deux heures au ministère pour voir M. Doucet.
En sortant du bureau, il rencontre un personnage à la tête hoffmanesque qui attire son attention. Ces messieurs se croisent et se saluent.
De là Sardou allait au Palais-Royal attendre au café de la Rotonde, en lisant les journaux et en prenant une tasse de café, l’heure de se rendre rue Saint-Marc. Au bout de dix minutes, qui se présente, en, face, à une table, demandant le même journal et une même tasse de café ? – l’inconnu au nez crochu.
Sardou se lève, l’heure était venue d’aller au rendez-vous dé la rue Saint-Marc. Il n’était pas dans l’antichambre depuis cinq minutes qu’arrive implacablement l’homme du matin, l’homme du café.
Ils entrent ensemble, on les fait signer ensemble, ils sortent ensemble, se saluent, et là seulement Sardou apprenait que l’inconnu, c’était Offenbach, une gloire en herbe.
Le lendemain le futur auteur de Nos intimes racontait sa triple rencontre à l’un de ses amis. « Malheureux, avez-vous fait le geste consacré ? » – « Non » – « Vous ne réussirez jamais !!! ou tout au moins vous en avez pour 5 ans. » Sardou qui avait une pièce reçue a l’Odéon se mit à rire. Il put rire pendant 5 ans, car, par suite de péripéties étranges, sa première pièce jouée depuis ce jour néfaste le fut en 1859, 5 ans après : c’étaient les Premières armes de Figaro !
Octave de Parisis.