Nous recevons. la dépêche suivante :
Nice, 7 avril 1869.
Hier soir, mardi, au Théâtre-Français, mademoiselle Honorine jouait l’ancien Vert-Vert de Déjazet. – Au second acte, un orage simulé dans la coulisse est pris au sérieux dans la salle. Un spectateur croit que le premier éclair est un commencement d’incendie, il se sauve, un autre le suit, aussitôt panique générale, écrasement aux portes des couloirs. Enfin, au bout de quelques minutes le calme se rétablit et la représentation continue.
Jules Prével.
Deux artistes de la troupe d’opérette de New-York, MM. de Carrière, un baryton de l’avenir, et Petit, qui parut un instant à l’Athénée, sont de retour à Paris.
L’un d’eux nous racontait cet épisode essentiellement américain.
A Hartford, dans le Connecticut, on jouait Geneviève de Brabant ; au second acte, on vint annoncer que l’îlot de maisons, dans lequel est englobé le théâtre, commençait à brûler à l’extrémité opposée.
Seuls, les gens qui avaient quelque chose à sauver, et les pompiers sortirent de la salle, l’acte s’acheva tranquillement, personne ne semblait ému ni proccupé [1]. Seulement à mesure qu’on n’avait plus besoin des costumes, on les emballait et on allait les porter au loin, par simple mesure de précaution. [2]
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Pendant le troisième tableau, comme on entendait les craquements se rapprocher, les dames quittèrent leurs loges et se retirèrent en se saluant, avec une courtoisie parfaite, tout comme on le ferait ici un soir de la Patti.
Mais pour les spectateurs mâles, il fallut continuer l’opérette d’Offenbach, qui se termina ainsi avec accompagnement d’incendie.
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C’est une inspiration subite qui sauva le théâtre. Dans un entr’acte, il s’arrangea à l’amiable avec le propriétaire de la maison contigue, qui allait bientôt brûler, l’indemnisa et fit, séance tenante, abattre son nouvel immeuble.
Cela préserva la salle.
– Une maison coûte toujours moins cher qu’un théâtre, disait ce spéculateur audacieux
On n’est pas plus Yankee.
Gustave Lafargue.