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De la contrefaçon des opéras français par la copie

Revue et gazette musicale de Paris – 28 novembre 1869

Les copies illicites de nos opéras, tant en France qu’à l’étranger, sont en ce moment l’objet de poursuites exercées par les éditeurs contre les bureaux de copie qui les délivrent frauduleusement et contre les directeurs qui se les procurent non moins illicitement. Voici, à ce sujet, une requête adressée au Ministre de l’Intérieur par les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, non-seulement au double point de vue des copies et adaptations frauduleuses de leurs opéras, mais aussi à celui de la traduction immédiate, et le plus souvent impossible, desdits opéras à l’étranger, traduction rendue obligatoire par les traités internationaux.

Une requête analogue va être adressée à M. le Ministre des affaires étrangères afin d’obtenir de nouveau l’appui des consulats français pour la poursuite de copies et adaptations illicites à l’étranger.

A Son Excellence Monsieur le Ministre, Secrétaire d’Etat, au département de l’Intérieur.

Monsieur le Ministre,

Nous venons appeler votre haute sollicitude sur les graves inconvénients que présente le dépôt à la division de la librairie des partitions-orchestre de nos opéras français. Transmis par les soins de votre administration au ministère des beaux-arts, à la Bibliothèque impériale et à celle du Conservatoire, les exemplaires déposés deviennent l’objet de copies, qui engendrent des contrefaçons à l’étranger et nous privent, auteurs comme éditeurs, des droits résultant pour nous des conventions internationales passées entre la France et les pays voisins.

Dans cet état de choses, Monsieur le Ministre , MM. les conservateurs des Bibliothèques impériales ne pourraient-ils recevoir l’avis de ne laisser copier ni par fragments, ni en totalité, aucune des partitions-orchestre de nos opéras français, et encore moins de les confier à qui que ce soit, au dehors de ces bibliothèques. De cette façon tous les intérêts seraient sauvegardés : ceux des jeunes artistes qui désirent vraiment s’instruire à l’intéressante lecture des partitions d’orchestre, comme aussi ceux des compositeurs et éditeurs qui se trouveraient ainsi garantis contre toute copie illicite.

Le but de cette requête, Monsieur le Ministre, a d’autant plus d’importance pour les auteurs et éditeurs français, que nos ouvrages dramatiques recherchés sur toutes les scènes étrangères s’y trouvent placés dans la déplorable obligation d’une traduction immédiate, presque toujours impossible à réaliser dans les délais prescrits par les conventions internationales.

Il en résulterait pour les auteurs des paroles des droits absolument illusoires, si les droits imprescriptibles attachés à la partition d’orchestre ne venaient assurer à l’étranger la propriété de l’œuvre commune.

Nous saisissons cette occasion, Monsieur le Ministre, pour rappeler à la haute sollicitude de Votre Excellence combien il serait urgent, soit en créant de nouvelles conventions internationales, soit en renouvelant celles déjà conclues :

1° D’affranchir les auteurs et éditeurs non-seulement de l’obligation de traduction immédiate, mais aussi de toute formalité de dépôt, ou d’enregistrement, hors le dépôt légal dans le pays d’origine ;

2° De nous garantir d’une manière absolue contre toute reproduction de nos œuvres, tant au point de vue des contrefaçons, dites arrangements, qu’à celui des adaptations théâtrales, contrefaçons non moins évidentes.

Nous sommes, avec un profond respect, Monsieur le Ministre, etc.

DE SAINT-GEORGES.
Président de la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques.

Auber, A. Thomas, Ch. Gounod et Félicien David, de l’Institut ; Jules Barbier, F. Bazin, Brandus et Dufour, Edouard Cadol, Michel Carré, Choudens, Colombier, R. Deslandes, L. Escudier, E. Gérard et Cie, Gevaert, Girod, L. Grus, Heugel, Emile Jonas, Eug. Labiche, Ach. Lemoine, Aug. Maquet, V. Massé, J. Offenbach, Ernest Reyer, Richault.

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