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Quatorze ans de direction ou les Variétés sous M. H. Cogniard

Le Figaro – Mardi 3 août 1869

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On peut marquer deux périodes dans la longue et habile direction de M. Cogniard : la première, de 1855 à la fin de 1863 ; la seconde de 1864 à 1869.

La première est celle du Vaudeville et de la Revue ; la seconde, celle de la Comédie et surtout de l’Opérette-bouffe.

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L’âge d’or des Variétés commence en 1864.

Jules Noriac, commandité par un nabab de la Bourse, s’associe à M. Cogniard, en achetant des actions dont il n’a besoin que de payer la moitié comptant.

M. France est nommé régisseur général et va inaugurer la mise en scène des grandes opérettes.

Le vaudeville est démodé, les revues s’étiolent : elles ne pourront plus être que de petits tableaux de genre. C’est l’heure d’une transformation.

Les directeurs associés le comprennent et n’hésitent point, mais ils se gardent de rien brusquer.

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Cette année de transition, 1864, fut particulièrement heureuse : l’Homme n’est pas parfait, la Vieillesse de Brididi, le Joueur de flûte, la Liberté des théâtres, quatre succès très vifs, révélèrent les aptitudes de la troupe, le talent original des Dupuis, des Couder, des Grenier, des Silly, etc., et amenèrent le public par une pente habilement ménagée au genre nouveau que, d’accord avec MM. Cogniard et Noriac, allaient créer Offenbach, Meilhac et Halévy.

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Enfin, au mois de décembre, on joua la Belle Hélène, avec l’élite de la troupe, Schneider, retrouvant ses vingt ans, et un véritable orchestre conduit par M. Lindheim.

Un succès inouï récompensa cette tentative hardie et prouva, une fois de plus, l’habileté de la direction.

Mais le vaudeville, la comédie, la pièce fantaisiste ne furent pas abandonnés, et jamais les Variétés n’ont mieux justifié leur titre.

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De 1865 à 1867, les Contributions indirectes, le Meurtrier de Théodore, les Fruits secs, une Fantasia, les reprises des Médecins, du Royaume des femmes d’H. Cogniard et de Blum, les Chaînes de fleurs, de Scholl... ô ironie ! les Deux Sourds, les Thugs, les Locataires du troisième, un Coup de sabre dans le contrat, pour Thiron, les représentations de Levassor, etc., firent une diversion nécessaire au menu salé de l’opérette.

Mais les boulevardiers, habitués de l’orchestre, la redemandaient toujours. On leur donna Barbe-Bleue en 1866, second triomphe de la direction, des auteurs, de Schneider, Dupuis, Grenier.

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En 1867, le 6 avril, la Grande-Duchesse, visitée par tous les souverains de l’Exposition, fut le couronnement. Couder, malgré la goutte, s’y surpasse... à en mourir, hélas ! Cette folie épique coûta une jambe à Grenier. Il n’y a pas de joie sans mélange !

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A ce moment, Noriac se retirait, déjà riche ; M. Rousseau rentrait régisseur, Léon Cogniard devenait administrateur, et M. France secrétaire général.

M. Cogniard, resté seul, reformait une société nouvelle de quarante actions de 10,000 fr. Elle finira en 1881.

Cette année de l’Exposition universelle produisit, du 1er janvier au 31 décembre, une recette brute de 1,876,408 francs.

Après ce magnifique résultat, trop avisé pour lasser la fortune, M. Cogniard songea à céder son exploitation, mais il ne pouvait trouver tout de suite un succeseur [1] digne de lui.

Il l’a depuis un mois.

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Dans ces deux dernières années, tandis que la plupart des autres théâtres ont expié si cruellement les bénéfices exceptionnels de 1867, les Variétés ont soutenu leur vogue.

Elles ont mêlé adroitement, avec des chances diverses qui se résument toujours en une réussite générale, tous les genres qui ont fait leur succès, les pièces nouvelles et les reprises. De nombreux et habiles engagements ont maintenu et fortifié la troupe.

Rappelons seulement, pour finir, le Pont des Soupirs, la Périchole, le Mot de la fin, la Cour du roi Pétaud, Fleur de thé, avec Léonce et Gourdon et les débuts de Zulma Bouffar et d’Aimée.

Tels sont, trop en raccourcie les 14 ans de travail et de succès de M. H. Cogniard, le premier directeur des scènes de ce genre, l’arbitre de tous les intérêts, adoré de ses artistes, estimé et honoré par tout le monde des théâtres.

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Gustave Lafargue.

[1Sic.

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