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Bruits de la semaine

Le Figaro – Jeudi 24 mars 1864

Théâtres

Pouvez-vous aussi me dire pourquoi, sur l’affiche des Bouffes, Lischen et Fritzchen est signé P. Dubois, et sur le livret Paul Boisselot ?

Cela m’est fort égal, après tout.

Les Géorgiennes feront leur chemin.

Léonce a déjà inventé des cascades d’aliéné, et Mlle Zulma Bouffar brûle les planches avec ses petits pieds.

Pourvu que tant d’éloges ne gâtent pas cette jeune fille, qui a un vrai tempérament d’artiste !

Elle gazouillait, il y a deux ans, dans les cafés chantants de la Belgique.

C’était encore une petite fille.

L’an passé, elle débutait à Ems dans un opéra d’Offenbach.

D’Ems aux Bouffes-Parisiens il n’y a pas loin, et six mois après Zulma Bouffar était presque célèbre.

Gare aux indigestions d’éloges !

M. Jouvin terminait son feuilleton sur les Géorgiennes, en regrettant que Mme Ugalde n’ait pas joué le rôle de Mlle Saint-Urbain. Son regret était peut-être un vœu, et ce vœu a été exaucé.

L’engagement de Mlle Saint-Urbain vient d’être résilié, – et la Marseillaise, de Féroza, sera chantée dorénavant par Mme Ulgalde, qui a demandé trois jours seulement pour apprendre le rôle.

Si les Géorgiennes ont été applaudies sans elle, que sera-ce lorsqu’elle sera là ?

Mais savez-vous que Jacques Offenbach est un travailleur étonnant ?

Des exemples. Le 12 mars 1863, à Paris, il donne la première représentation des Bavards. – Le 11 juillet, à Ems, Il signor Fagotto, le 18, Lischen et Fritzchen. – Le 5 janvier 1864, les Bouffes s’ouvrent avec Lischen et Fritzchen, et l’Amour chanteur ; le 4 février, à l’Opéra-Impérial de Vienne, il donne la première de la Rheinnite [1], grand opéra en trois actes, le 11 février, au Carlthéâtre, la première de Fagotto, le 15 février, au théâtre an der Wien, la première de la Demoiselle en loterie, avec sept morceaux nouveaux, inaudits [2], sur dix, enfin le 15 mars, à Paris, les Géorgiennes, opéra-bouffe en trois actes.

Notez que ce bulletin de campagne est un bulletin de victoire. L’autre soir, chez Peter’s, avait lieu le souper qui fêtait la 100e représentation des Bavards.

On a porté un toast au maëstro [3], à Mme Ulgalde, – et, si l’on n’a pas arrosé la 100e de l’Amour chanteur, on a bu du moins à la 100e des Géorgiennes.

Une seule chose me gâte les Géorgiennes, ce sont les figurantes. Je ne dis pas choristes, car ce ne sont pas des chanteuses. On les entend à peine quand elles risquent un solo ; on se contente de les regarder. – Au moins si elles étaient joliess [4] !... Mais, hélas !...

Ah ! parlez-moi des théâtres de Londres. Là un corps de ballet, c’est un corps de statuettes de Pradier : – les plus jolis visages et les jambes les mieux tournées ; comme les lorgnettes vont leur train !

Mais chez nous !... souvenez-vous de ces processions de villageoises qui envahissent tout à coup la scène de l’Opéra-Comique !

Pendant que Joconde couronne la rosière vous essayez de découvrir, à droite ou à gauche, quelque figure de choriste à peu près supportable, et vous baissez les yeux chastement, car vous craindriez de lorgner votre grand’mère.

Les poitrines nues font peine à voir, et noires malgré le blanc qui essaie de les couvrir, leur maigreur se dessine tristement comme une pièce d’ostéologie.

Quelques-unes de ces pauvres femmes ont créé la Dame blanche ! 1050e représentation !

Il y a dans les Géorgiennes un mot que Jules Moinaux a certainement entendu dans une cour d’assises.

Un homme est condamné à mort.

– Je suis déshonoré ! dit-il, Je ne survivrai pas à un tel affront !

Dans le faubourg Saint-Antoine, un candidat, – qui promettait beaucoup, – commençait ainsi sa profession de foi :

Voulez-vous la...
Voulez-vous le...
Voulez-vous les...
Voulez-vous...

Un plaisant, – vous savez, le plaisant classique, – écrivit au-dessous : Voulez-vous... voulez-vous... voulez-vous... accepter mon bras.

Toujours Offenbach.

Jules Claretie.

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